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samedi 22 octobre 2005 Attention à la boîte de pandore de l’eugénisme scientifique
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Aziz S. Fall, un politologue d’origine sénégalaise vivant à Montréal, a vu ses propos censurés par Radio-Canada après avoir accordé une entrevue sur ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Dr Mailloux". Le Dr Mailloux est ce psychiatre québécois qui a affirmé, à l’émission « Tout le monde en parle », à Radio-Canada, que les Autochtones et les Noirs ont une intelligence inférieure en raison de facteurs génétiques. Ces propos n’ont pas donné lieu à une interrogation critique des sources du Dr Mailloux, à l’émission même, par l’animateur ou d’autres personnes présentes. Depuis, TQS, la station de télévision où le Dr Mailloux commentait l’actualité, l’a congédié pour les propos racistes qu’il a tenus à Radio-Canada et qu’il a maintenus par la suite. L’animateur Guy A. Lepage et le réalisateur M. Clément, de l’émission Tout le mond en parle ont défendu cette émission en prétendant qu’elle avait lancé un débat sur le racisme. Voici la lettre de M. Aziz S. Fall qu’on a pu lire ailleurs sur Internet dans les journaux alternatifs, mais dans aucun journal des grandes entreprises de presse.
« Oui, ils sont intellectuellement inférieurs, c’est prouvé », a déclaré le Doc Mailloux à propos des Noirs et des Amérindiens. « Les propos offensants, réducteurs et haineux doivent être discutés dix fois plutôt qu’une », dixit Clément et Lepage qui se disent fiers de la boîte de pandore ouverte par leur émission Tout le monde en parle sur le racisme latent au Québec. A titre d’ancien activiste du réseau contre l’apartheid et enseignant universitaire, j’ai été sollicité par différentes associations noires et surtout trois équipes différentes de Radio-Canada pour réagir à ce qui défraye la chronique. J’accepte, devant tant de bonne volonté affichée, de discuter avec elles de la controverse qui secoue le Québec sur l’eugénisme scientifique. Je décline, parce qu’un tantinet voyeuse, l’offre d’une première équipe. Elle a l’intention de venir filmer mes enfants et moi, comme preuve de l’harmonie sociale entre Moirs et Blancs au Québec. Contacté ensuite par Monsieur Lespérance de l’équipe de Tout le monde en parle, je demande du temps pour exposer mon point de vue dans son émission. J’apprends que Luc Mervil sera aussi invité. J’en suis enchanté, nous nous estimons, nos enfants ont grandi ensemble. J’insiste cependant pour que l’on discute surtout de la portée scientifique du débat et, on m’explique, après réunion de l’équipe, que dans ce cas le format de l’émission s’y prête peu. Entre-temps, à 14 heures, je reçois le journaliste Sebastien Cloutier et sa camérawoman qui tournent un segment pour le Téléjournal (Radio-Canada) avec Alexandra Chaska et Dominique Poirier pour le magazine "Le Point". Je leur vulgarise mes arguments et l’équipe repart satisfaite. Le soir, à l’heure dite, je m’installe devant la TV, appréhendant, comme à l’accoutumée, quel type de montage sera fait de mon entrevue. A mon désarroi, aucune allusion sur mon entrevue dans aucune des deux émissions. En lieu et place, deux réactions, somme toute interessantes, mais qui n’abordent pas le débat de fond. Je rappelle M. Cloutier qui se montre tout aussi surpris que moi. Voici donc en substance reformulée la teneur de mon entrevue qui reprend d’ailleurs des éléments de ma lettre précédemment envoyée à l’émission "Le Point" du 27 septembre. J’y soutenais que : – L’origine monocentrique de l’humanité montre que l’homo sapiens anatomiquement moderne est noir et que, par sélection et adaptation, il va se diversifier en différents groupes humains à travers le monde. Cela est attesté autant par les fossiles que la biologie moléculaire (mitochondries de l’ADN et Haplotype 13 des Chromosomes). – La race n’existe pas et les humains sont tous génotypiquement jumeaux. Seul leur phénotype, donc leur physiologie différente correspond à leur adaptation à l’environnement. Qu’il n’y a aucune hiérarchie possible là, malgré les [pour prouver le contraire] des Gobineau, de Coubertin, des nazis, du KKK, tenants de l’apartheid et autres suprémacistes eugénistes. L’eugénisme scientifique (inventé par Francis Galton le cousin de Darwin, auteur du livre L’intelligence héréditaire, précurseur des tests de quotient intellectuel) repose sur trois (3) croyances erronées : les gènes sont prépondérants ; les humains se distinguent les uns des autres dans leurs aptitudes par des disparités innées ; et les hiérarchies sociales de l’humanité découlent des 2 précédents postulats. Des instituts et savants qui se sont évertués à nier l’origine africaine de l’humanité et l’unicité de la race humaine rivalisent toujours pour prouver ces faussetés. Seule l’espèce humaine existe et le terme race ne permet pas de la différencier. Au mieux caractérise-t-il seulement l’espèce tout entière. Alors qu’on achève de répertorier le génome humain, au niveau du génotype, les infinitésimales différences décelées, entre fréquences des allèles de certains marqueurs génétiques, ne permettent d’établir aucune forme de hiérarchie entre humains. – Qu’une fois tous les groupes humains constitués, ils se sont autonomisés, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’autres groupes qui apparaissent en-dehors des métissages possibles et qu’aucune hiérarchie génétique ne peut être bâtie sur le cerveau, contrairement à ce que soutient l’eugénisme. L’évolution du cerveau continuerait néanmoins, selon certaines études, plus sérieuses que celles qui défrayent la chronique. Radio-Canada en faisait d’ailleurs état, citant l’équipe du Dr Bruce Lahn, de l’Université de Chicago. Elle observe deux gènes qui contrôlent la taille de l’organe chez l’humain. Comparant ces gènes chez l’humain moderne et chez un ancêtre de 37000 ans, elle déduit de nouvelles variations apparues il y a 5800 ans, et qui seraient maintenant présentes chez 30% des humains actuels. Ces variations tendraient à prouver que le cerveau s’adapte aux pressions sélectives dues aux comportements dits « culturels » chez l’humain. « Les deux gènes seraient la variante microcéphale apparue lors de l’émergence de la musique, de l’art, des pratiques religieuses et des outils plus sophistiqués. L’autre, appelée variante ASPM, serait apparue au moment de l’émergence de l’agriculture et des villes, de même que des langues écrites. La question est maintenant de savoir, selon les chercheurs, si l’évolution génétique a causé l’évolution culturelle des humains ». Ces intéressantes considérations, quoique parcellaires, ne permettent pourtant d’établir aucune hiérarchie entre humains, les variations se retrouvant dans tous les différents groupes humains sans exception dans l’échantillon dudit 30% des humains actuels. – Que les mélanodermes, communément nommés Noirs, ont été les bâtisseurs des premières grandes civilisations humaines (Kmt, Égypte et Nubie) responsables principales, 2000 ans avant la Grèce, de la diffusion de la civilisation et du savoir. – Que l’Histoire seule explique dans ses vicissitudes comment les civilisations perdurent, chancèlent, et comment les amnésies collectives suivent les apogées (c’est valable pour le Ghana, la Chine, la Grèce, Rome, l’Espagne et le Portugal qui furent toutes des grandes puissances). – Que l’esclavage qui a décimé l’Afrique a emporté ses enfants les plus forts et compétents et que leur endogamie et les conditions politiques économiques et culturelles les confinent jusqu’à présent dans des professions ou des tâches (surtout les espace moins ségrégationnistes - art et sport) qui restreignent ou promeuvent ces aptitudes. – Que la mondialisation néo-libérale et la division internationale du travail maintiennent l’essentiel des populations des pays de la périphérie en général et les pauvres des pays riches dans des situations socio-économiques défavorables pour leur développement et leur épanouissement. – Que la mesure du quotient intellectuel pose deux équations insolvables. Qu’est-ce que l’intelligence ? Il n’y a aucune définition qui fasse consensus dans la communauté scientifique. L’intelligence est probablement multiple, compte tenu de la versatilité du cerveau. Qu’est-ce le quotient intellectuel et comment peut-il être déterminé universellement ? C’est une mesure non universelle, relative et aléatoire, basée sur un classement psychométrique articulé sur des axes logiques prédéfinis et mesurant un groupe cible par rapport à une norme prétendue. Ces agrégats statistiques, chiffrant l’aptitude à un mode de raisonnement, ne peuvent traduire tous les écueils socioculturels et psychologiques, et encore moins mesurer l’ouverture d’esprit, la créativité, ou les capacités intellectuelles. Donc, on peut bâtir des grilles pouvant tendre à prouver l’infériorité d’un groupe. On pourrait ainsi illustrer que la promiscuité, l’endogamie et le travail du bûcheron distingueraient l’intelligence des habitants du Bas-du- Fleuve des autres québécois, ou autres inepties. En tous cas, pour en revenir à la fameuse étude controversée, à chaque fois où l’Amérique de la ségrégation explicite ou implicite leur a laissé une chance sociale, les Noirs ont prouvé leur égalité en étant des découvreurs et des scientifiques chevronnés, au même titre que tous les autres groupes humains. – Que le racisme est un phénomène encore plus pervers lorsqu’une personnalité qui en a l’autorité vient exhiber des recherches (comme the Bell Curve..) qui, sous le prétexte de dire haut ce que nombre de gens racistes pensent, ramène en arrière l’humanité. En 1977, l’UNESCO a décrété que la race n’existe pas, mais cela n’empêche nullement les cycliques résurgences du racisme scientifique. Ce débat de passion est pourtant un faux débat, mais il ne dispense pas du débat biopolitique et bioéthique sur l’eugénisme. L’émission "Tout le monde en parle" est une émission à vocation socioculturelle articulée sur la provocation et le sensationnalisme. Elle a invité un provocateur et obtenu ce qu’elle recherche. On ne peut lui en porter rigueur, c’est ce qui fait sa notoriété. C’est à elle-même d’assumer la boîte de pandore ouverte et de mener le débat serein qu’elle prétend permettre. Le médecin, quant à lui, est confronté à l’éthique bio-médicale s’il en a conscience. Peut-être que sa raison lui fera prendre conscience un jour, que son idéologie prétendûment scientifique est un mélange d’axiomes sur l’hérédité et de jugements de valeurs sans fondements. Je m’interroge toutefois. Qui, à Radio-Canada, a pris la décision de ne pas faire entendre des points de vue comme le mien ? Ces propos n’ont-ils pas le mérite de relativiser les prétendues études scientifiques, calmer le jeu et ramener notre minimum d’harmonie sociale ? Le racisme explicite ou latent que je continuerai de combattre et que Radio-Canada dit combattre nous concerne tous. Il n’y a pas que les Amérindiens et les Noirs qui sont concernés, il y a les Juifs, les Arabes, les Chinois, et surtout tous les Québécois et Québécoises, (qui sortons à peine d’une longue nuit de complexes d’infériorité, comme nègre blanc et frog). Voilà donc ce que je me suis évertué simplement à dire et qui, hélas, n’est pas passé. A défaut donc, je vous demande de le partager avec ceux qui vous sont chers. Avec mes salutations reconnaissantes. Aziz S. FALL Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 octobre 2005. Conférence d’Aziz S. Fall Samedi 29 Octobre 2005, à 15h00 au local A-M050, Pavillon Hubert-Aquin de l’UQAM - 400 Ste-Cathérine Est. Métro Berri-UQAM. Entrée gratuite. |