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les meurtriers

août 2003

par Michel Garneau, poète

un homme tue sa femme et ses enfants
un petit chanteur tue sa blonde
et on me dit le drame personnel
et les « journalistes » continuent de ragoter
et d’être proxénètes du spectacle
non
notre culture tue sa femme et ses enfants
notre culture a dit au petit chanteur que
tuer sa blonde la passion le permet

l’homme se croit propriétaire de ses enfants
le petit chanteur se sent le droit de punir sa blonde
et Celeene et Whitney malgré qu’elles savent
sont coupables de trahir toutes les femmes
en anonnant les dogmes de l’amour-amour
le greater amour qui aveugle et justifie la bêtise
cette insidieuse idée de l’amour qui clame
l’abandon de soi-même et que l’autre
ait un pouvoir sur soi un pouvoir qu’on aime

un homme qui tue sa femme et ses enfants
il faut le dire est d’abord un parfait trou de cul
un enfant de chienne et qu’il se suicide
confirme qu’il le savait

le petit chanteur qui se bourre de médicaments
et rate son suicide confirme encore mieux
qu’il soit une ordure et un épais
et qu’un instant de pitié aille vers lui
est un scandale et que les média nous disent
que l’assassin de sa femme et de ses enfants
ait été déprimé est un autre scandale
et l’autre qu’il était saoul
est encore un scandale

nous leur avons dit qu’ils pouvaient le faire
nous avons dit au petit chanteur
qu’il pouvait le faire et il savait le faisant
que s’il ratait son suicide il aurait
de la sympathie de son côté
et quelques années de prisons à faire
et un livre à écrire à sa sortie
et de l’argent à faire avec son amour sordide
car il dira qu’il l’aimait trop

comme le mari qui a tué sa femme
et ses enfants

ces hommes aiment trop
parce qu’on leur a dit de le faire
parce qu’on leur a dit
qu’aimer c’est posséder de toutes les manières
on leur dit qu’aimer jusqu’à tuer c’est beau
c’est éblouissant
parce qu’entre autre maladies
nous sommes les clients
des médias qui continuent de ragoter
et d’être proxénètes du spectacle

et dans un monde complètement envoûté
par la violence nous disons à nos enfants
de la rejeter et ils nous croient d’une main
(demandez dans une école s’ils sont pour)
et jouent de la violence de l’autre
car ils vivent dans le même monde que nous
et plus fort
et savent bien que nous ne sommes pas sérieux

nous admirons quelques bonnes âmes
qui se dévouent et sourions d’une manière
entendue quand on parle de féminisme
et nous sommes tous pour l’enfance
et dans notre septième huitième
neuvième j’sais plus meilleur pays
du monde occidental
des milliers et milliers d’enfants savent la faim
et la pauvreté et la violence ordinaire
celle que les medias ignorent
parce que c’est pas de la nouvelle
c’est juste un état de fait

le petit chanteur a tué sa blonde
le mari sa femme et ses enfants
ça se passe tous les jours
tous les jours ça se passe

mais ce ne sont pas des drames passionnels

mais ce ne sont pas des drames personnels

c’est la tragédie de notre culture




Michel Garneau, poète

P.S.

L’auteur fera lecture de son poème à l’émission Les Décrocheurs d’étoiles, Chaîne culturelle de Radio-Canada, le 8 août 2003, à 22h30, heure de Montréal.

On peut également lire ce poème sur le site de l’émission "L’été, c’est péché", de Radio-Canada.

Mis en ligne sur Sisyphe le 7 août 2003




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