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mercredi 15 février 2006 Le programme du Hamas : la Charia et la haine des femmes !
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A en croire certains commentateurs, le Hamas ne serait finalement pas si islamiste que cela, et s’il est beaucoup question de savoir si, au gouvernement, le Hamas acceptera ou non de reconnaître Israël, on ne trouve, par contre, que très peu d’informations sur le programme du Hamas pour la société palestinienne. Pourtant, le « programme pré-électoral du bloc Pour le Changement et les Réformes » (nom de la liste du Hamas pour les élections parlementaires de janvier 2006) est très clair sur cette question et a été publié le 24 janvier sur un site lié aux islamistes palestiniens (1). Laissons tomber la longue introduction qui commence comme un prêche (« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ») et comporte de longues citations du coran, pour en arriver sur ce qui est appelé les principes de la liste. Et le premier de ces principes est : « Le véritable Islam et la réalisation de la civilisation islamique, voilà la base de notre identité et la base de la construction de la vie dans tous ses éléments, à la fois politiques, économiques, sociaux et juridiques. » Et on peut préciser que dans tous les paragraphes, ou presque, concernant la libération nationale, le Hamas ajoute que la Palestine est « une part intégrale de l’oumma islamique ». Plus loin, dans ce programme, on peut lire : « A propos de la politique législative et la refondation du système judiciaire nous proposons : de faire de la Charia le point de départ de la législation de l’Autonomie Palestinienne. » Bien sûr, le Hamas s’affirme presque démocrate en affirmant par exemple dans le quatrième point de son programme concernant la législation : « Développer une culture du dialogue, où toutes les opinions seront respectées », mais en ajoutant aussitôt cette restriction, « seulement si elles ne s’éloignent pas de l’héritage culturel et religieux du peuple palestinien ». Et on sait ce que cela signifie pour le Hamas : les revendications féministes, par exemple, sont considérées par les islamistes comme des valeurs étrangères à cet « héritage culturel et religieux ». On peut y voir aussi, de façon très claire, l’interdiction des propos jugés « blasphématoires » et de tout regard critique sur le coran, la sunna ou la charria. D’ailleurs, dans la partie du programme électoral concernant la formation, le premier point indique : « Les principes pédagogiques, qui dirigent la philosophie de la pédagogie en Palestine, sont en premier lieu l’Islam, comme système universel de formation, qui enseigne le bien à l’homme et assure ses droits individuels et publics. » Est-il besoin de commenter ce point ? Est-il besoin de rappeler que depuis le 7ème siècle, époque à laquelle l’islam a été inventé, bien des avancées dans la connaissance scientifique, dans la culture et dans les arts ont été réalisées ? La famille, et encore et toujours la charria Et comme tous les partis réactionnaires de par le monde, le premier point du volet « politique sociale » de ce programme électoral indique : « Soutien à la base saine de la famille palestinienne. Nous devons adhérer à ce soutien afin de préserver nos valeurs et nos principes moraux. » Cette « base saine » est-elle cette vieille tradition, toujours en vigueur en Palestine, qui permet à un homme de la famille d’assassiner une femme parce qu’il la soupçonne d’avoir eu des relations sexuelles hors du mariage ? Cette base saine est-elle celle qui fait des femmes des éternelles mineures sous la tutelle du père, des frères, puis du mari ? A chaque fois que des réactionnaires brandissent le drapeau de la « saine base familiale », ce qu’ils défendent c’est la famille patriarcale où la femme doit courber l’échine face à son mari, ignorer ses aspirations et ses désirs, bref se sacrifier pour son homme. C’est au nom de cette « base saine » que, partout dans le monde, on cherche à refuser aux femmes le droit de choisir leur sexualité, c’est au nom de cette base que, partout, on condamne et persécute les homosexuel(le)s... D’ailleurs, ce « volet social » du programme électoral du Hamas précise dans son point 5 : « Concernant la législation sur le statut civil et les voies de la Charia : il est nécessaire d’accepter la loi, sur la base des textes du droit musulman (Charia) et ses livres théologico-juridiques ; de sélectionner parmi eux tous ce qui correspond au développement de la société palestinienne islamique ; de publier des décisions législatives sur l’application de la charria en Palestine qui doit dans toute sa variété être l’unique modèle à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza (...) ». Bref, la base et la source de tout ce qui concerne la famille et donc les femmes, c’est la Charia, encore la Chrria et toujours la Charia ! Comme si rien n’avait évolué depuis le 7ème siècle ! Et si, en ce qui concerne déjà de nombreux points législatifs en Palestine, la Charia est déjà une des sources du droit, on sait que pour le Hamas c’est l’interprétation la plus stricte et la plus rétrograde de ce texte qui lui sert de base. Et comme si ce n’était pas assez clair, le point 6 de ce même « volet social » ajoute : « Protection de la structure sociale unie, acceptable pour le peuple palestinien, et protection de la morale publique, garantie de la protection des principes moraux pour empêcher tous les processus qui la piétinent ». On peut rappeler que c’est justement au nom de cette « protection des principes moraux » que le Hamas s’était fermement opposé à toute revendication féministe ! (2) Que c’est au nom de ces principes « moraux » rétrogrades que la municipalité de Qualqilya a interdit un festival de musique, entre autre pour s’opposer à la mixité ! (3) Que c’est pour défendre cette « morale publique » que des assassins fondamentalistes avaient exécuté Yousra en pleine rue à Gaza ! (4) Que déjà des factions armées se définissant comme « milices de la vertu » sèment la terreur en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ! Et le point 13, toujours dans ce même volet, précise : « Combattre la drogue, l’alcool, la dégradation morale sous toutes ses formes par les méthodes cultivées d’un éclaircissement selon l’esprit et la lettre de la Loi ». Précisons que la « Loi », surtout avec un grand L, c’est, pour le Hamas, la charria. Et si ce n’est pas la peine de revenir sur la conception islamiste du « respect de l’esprit et de la lettre de la Loi » concernant le droit des femmes et la sexualité, on peut noter, pour ce qui est de l’alcool, qu’au début de ce mois de janvier, le dernier endroit où l’on pouvait acheter des boissons alcoolisées à Gaza a été détruit par une explosion. Information et simulacre de liberté de presse Le volet suivant concerne l’information, et on trouve de nombreux articles défendant la liberté de la presse, mais une « liberté » réalisée selon les principes de l’islam politique, c’est-à-dire limitée et contrôlée. Ainsi, le premier point du volet concernant les médias indique : « La politique de l’information doit être basée sur les principes de la liberté de pensée, la liberté des opinions, l’ouverture et l’honnêteté », pour limiter immédiatement cette liberté dans le point 2 : « Il est nécessaire de protéger les citoyens, et en particulier les jeunes gens, de l’immoralité, de la banalité, de l’imitation de l’Ouest et de l’assimilation culturelle ». À noter que lorsque des femmes revendiquent leurs droits, c’est, pour le Hamas, une « imitation de l’Ouest » ! Et ce point 2 montre bien la conception de la liberté de la presse et des médias pour le Hamas, une liberté à l’iranienne ou à la saoudienne ! À se demander si des chansons d’amour, ou même des femmes sans hidjab, pourront passer à la télévision ou à la radio ! Voiler les femmes pour les opprimer Le volet suivant concerne « Les problèmes des femmes, des enfants et de la famille ». Et le point 4 de ce volet résume bien toute la philosophie réactionnaire du Hamas concernant les femmes : « Renforcer l’éducation islamique des femmes, la garantie de leurs droits, le moulage d’une personnalité indépendante de la Palestinienne, où sont inhérentes à la fois la modestie, la décence et le sentiment de la dette nationale. » On voit mal de quels droits il s’agit, si ce n’est celui de se taire « avec modestie ». Quant à la « décence », on ne sait malheureusement que trop bien ce que ce mot signifie pour les militants de l’islam politique. Meriem Farhat, candidate élue dans la Bande de Gaza, avait d’ailleurs indiqué lors de la campagne qu’une des premières lois qu’elle proposerait au parlement serait de rendre le voile obligatoire (5). Imposer le voile aux femmes fut d’ailleurs une des premières campagnes du Hamas d’abord dans la Bande de Gaza, puis dans différentes régions de Cisjordanie (6). Et un peu plus loin, dans le point 7 de ce volet, il est écrit : « Protéger la femme palestinienne de ce qui nie son rôle spécifique, se moque de son essence féminine, insulte son mérite et contre d’autres actions contraires au droit ». On sait que pour le Hamas, le droit c’est la Charria. On sait que leur protection de la femme justifie pour les islamistes d’assassiner une jeune fille dans les rues. Et on sait surtout que lorsque les réactionnaires parlent de « rôle spécifique » et « d’essence féminine », c’est toujours un moyen pour justifier l’oppression des femmes, pour lui nier son statut d’être humain à part entière. Et enfin, pour finir ce tissu de mesures rétrogrades, notons que pour le volet concernant les jeunes, le Hamas indique dans le point 4 : « Protection des jeunes gens de toute manifestation de défaut et de dégradation morale »... Comme protéger une jeune fille en l’assassinant ? Comme interdire un festival de musique ? Ces quelques extraits du programme électoral du bloc « Pour le Changement et les Réformes » rappellent bien le caractère profondément réactionnaire, anti-féministe, et liberticide du Hamas. Bien sûr, si les militant-es du Hamas adhèrent à ce programme, bien des électeurs/électrices ont surtout voulu sanctionner le Fatah, sa corruption, et le chaos qui règne dans la Bande de Gaza lors des affrontements entre différentes fractions armés. Bien des électeurs/électrices ont voulu, aussi, protester contre la misère, le chômage et la pauvreté, sans parler de la lassitude face à un « processus de paix » qui n’est, pour la population palestinienne, qu’une continuation de l’occupation, de la colonisation, des incursions militaires, des contrôles aux check-points, sans même parler du Mur de l’apartheid... Pour ce qui est de l’occupation, ce n’est pas dans le parlement de Ramallah que se prendront les décisions importantes. Le Hamas le sait : sur cette question, que ce soit lui, le Fatah ou un autre parti, rien de changera concernant l’occupation. C’est d’ailleurs pour cela que le Hamas insiste pour former un gouvernement de coalition, espérant laisser au Fatah l’échec du « processus de paix », pour se consacrer à l’islamisation de la société palestinienne. Le Hamas, d’ailleurs, avait avant même les élections demandait des postes comme l’éducation, le social ou la santé. Pour ce qui est de la misère et du chômage, là non plus, malgré des propositions démagogiques, le Hamas ne changera rien dans la vie quotidienne des travailleurs de Palestine. Et il faut rappeler que le Hamas est, du point de vue économique, libéral, qu’il défend un ordre social capitaliste, lui ajoutant simplement la charité, cette « valeurs » des cléricaux de tous les pays, qui consiste à donner quelques miettes aux pauvres. Le seul point de son programme que le Hamas pourra chercher à appliquer, c’est son programme fondamentaliste, anti-féministe et liberticide, c’est la Charria la plus stricte dans toute son horreur, c’est le renforcement de l’oppression contre les femmes et au-delà la réaction pour toute la société palestinienne. Plus que jamais les féministes de Palestine ont besoin de toute notre solidarité (7). Yasmina, 28 janvier 2006. 1. Voir aussi sur la Charte du Hamas Source : Site Liberté pour les femmes de Palestine. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er février 2006 |