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dimanche 11 juin 2006

Où en sommes-nous avec la grippe aviaire ?

par Richard Poulin, sociologue






Écrits d'Élaine Audet



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Les oiseaux - oies blanches, bernaches, canards et même colibris - sont arrivés et ont rejoint leurs zones de nidification respectives. Si l’on se fie à l’absence d’articles ou de commentaires dans les médias, cette migration s’est opérée sans provoquer l’explosion annoncée de grippe aviaire au pays. Voici quelques mois, cette question mobilisait la une de tous les médias aussi bien électroniques que papier. Le ton était à la fois alarmiste tout en prévenant paradoxalement contre tout alarmisme : à chaque occasion, la population était invitée à consommer poulets et autres gallinacés (bien cuits de préférence). Désormais, on ne peut lire que des entrefilets annonçant que, dans tel ou tel pays du tiers-monde, l’influenza aviaire a été transmise à des humains. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le jour où le virus de la grippe aviaire aura acquis la capacité de se transmettre d’humain à humain, la pandémie causera des millions de décès dans le monde.

Mais la catastrophe annoncée n’a pas (encore) eu lieu.

Mesures de sécurité efficaces ?

Les mesures de sécurité auraient-elles été efficaces ? Si, en effet, comme les médias l’ont relayé, les oiseaux migrateurs sont les principaux vecteurs de transmission de la grippe aviaire, alors l’enfermement des oiseaux de basse-cour (pour consommation familiale ou pour commerce à petite échelle) et d’élevage industriel, leur mise en quarantaine et leur abattage lors d’une possible contamination semblent avoir eu l’effet escompté.

Mais est-ce là la cause principale de la transmission de l’influenza aviaire ? Pour Santé Canada, cette grippe est « une virose contagieuse qui peut toucher toutes les espèces d’oiseaux et qui peut, plus rarement, se transmettre aux mammifères. On considère que toutes les espèces d’oiseaux sont prédisposées à une infection, alors que les bandes de volaille d’élevage sont particulièrement vulnérables aux infections qui peuvent rapidement se transformer en épidémie. » Ah bon ! la volaille d’élevage est particulièrement vulnérable au virus ! Plus que les espèces sauvages ? Dans son édition du 14 mai dernier, Le Monde demande : « Pourquoi on a tout mis sur le dos des canards sauvages ? » Bonne question, car le vecteur d’expansion de la maladie est vraisemblablement le « gallinacé migrateur » par les voies du commerce - légal ou clandestin - et non l’avifaune sauvage tant décriée.

Homogénéisation génétique et multinationales avicoles

L’hypothèse répandue qui fait des oiseaux migrateurs la source initiale du risque pandémique par le virus H5N1 tait ce qui paraît être l’une des principales causes du problème. De nombreux indices, dont une partie ont été énumérés et analysés par un rapport du Genetic Resources Action International (GRAIN) publié en février 2006, font penser que les unités industrielles et les flux de commerce international qu’elles génèrent sont des facteurs bien plus importants de diffusion de la « peste du poulet » que les petites basses-cours dispersées - hébergeant une diversité génétique - pouvant être atteints par les fientes des oiseaux migrateurs. Ce rapport estime que ce sont les élevages industriels qui présentent les plus grands risques. L’intensification et l’industrialisation de l’élevage avicole ont été accompagnées d’une forte homogénéisation génétique des poules, dindes et canards. L’achat de poussins, dindonneaux ou canetons âgés d’un jour est une pratique généralisée, y compris par les élevages « biologiques ». Ces oisillons sont produits par dizaines de millions dans des couvoirs industriels et diffusés par avion par quelques multinationales. Plusieurs de leurs unités de production ont été délocalisées ou étendues en Chine et en Asie du Sud-Est, justement dans des zones touchées par le virus H5N1.

Si l’alerte au canard sauvage n’avait été qu’une mesure de précaution supplémentaire, la question posée par Le Monde ne serait pas si cruciale. Mais elle est lourde de conséquences, comme le montrent les propos de spécialistes cités par le quotidien. Elle n’a entraîné aucune expertise sur les routes commerciales et la « porosité » des frontières aux trafics des gallinacés commerciaux. Peu d’attention a été portée aux problèmes économiques posés par l’épizootie dans les pays pauvres. Le silence s’est fait pudique sur le système hospitalier - soumis aux coupes budgétaires et aux privatisations dans les pays capitalistes dominants et aux ajustements structurels dans les pays dominés - qui est vraisemblablement incapable de faire face à une éventuelle épidémie de grippe humaine hautement pathogène.

Avec les fausses informations retransmises par les médias sur l’obligation pour les minorités de porter des signes distinctifs en Iran, n’avons-nous pas assisté dans le cas de la grippe aviaire a une désinformation du même ordre ? Si oui, comment l’expliquer ? Pourquoi les multinationales avicoles et leurs pratiques n’ont pas été pointées du doigt ? Pourquoi le rapport du GRAIN n’a pas fait l’objet d’articles ?

Les conséquences d’une possible pandémie aussi létale sont pourtant potentiellement tragiques pour l’humanité. En trouver les véritables causes devrait constituer une priorité pour ceux et celles qui pratiquent le métier d’information. L’action préventive des pouvoirs publics en dépend. Mais ne sont-ce pas ces mêmes pouvoirs qui ont mis toute la responsabilité de la transmission de la grippe sur la migration des oiseaux sauvages ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 juin 2006



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Richard Poulin, sociologue


Sociologue, l’auteur est professeur titulaire à l’université d’Ottawa et associé à l’Institut d’études et de recherches féministes de l’UQÀM, auteur de plusieurs ouvrages sur la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle dont : Enfances dévastées, l’enfer de la prostitution (Ottawa, L’Interligne, 2007), Abolir la prostitution. Manifeste (éditions Sisyphe, Montréal 2006), co-auteur avec Yanick Dulong de Les meurtres en série et de masse, dynamique sociale et politique (éditions Sisyphe, 2009), La mondialisation des industries du sexe (Ottawa, L’Interligne 2004 et Paris, Imago, 2005), et il a coordonné le numéro d’Alternatives Sud, Prostitution, la mondialisation incarnée (Paris, Cetri et Syllepse, vol. XII, n° 3, 2005). Voir plus d’information sur les publications de l’auteur sur le site du Département de sociologie, Université d’Ottawa.



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