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mardi 18 août 2009 Avortement et loi 34 : une saga déplorable
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La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) salue la décision du ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Yves Bolduc, de retirer l’avortement des interventions médicales incluses dans la loi 34. En bout de ligne, la controverse des dernières semaines se sera soldée par une bonne nouvelle. Mais il demeure déplorable de constater qu’il aura fallu un tollé médiatique pour faire entendre raison au ministre et que ce dernier fasse preuve de jugement dans ce dossier. Déjà, en 2006, la FQPN s’était inquiétée de l’inclusion de l’avortement dans le règlement lié à la loi 33. En 2008, le Conseil du statut de la femme, dans son état des lieux sur l’avortement, avait sonné l’alarme sur les conséquences possibles de l’inclusion de l’avortement dans cette loi. En avril dernier, nous avions réclamé que les trois centres communautaires de santé des femmes soient retirés de la loi 34. La vaste mobilisation politique, initiée par le Centre de santé des femmes de Montréal, a mené à leur exclusion de ce projet de loi, une belle victoire. Nous avions également réclamé de la part du ministre que l’avortement soit retiré du règlement lié aux lois 33 et 34. Ces démarches ont été l’objet d’une campagne de lettre appuyée par plus d’une vingtaine de groupes de femmes, groupes communautaires en santé, organisations syndicales, centres de femmes et d’individues. En effet, nous avions alors questionné les motifs pour lesquels l’avortement avait été inclus dans les interventions médicales assujetties aux lois 33 et 34. L’avortement n’est certainement pas comparable aux types de chirurgies qui font partie du même règlement. Et tous les intervenants s’entendent pour dire que l’avortement de premier trimestre est une intervention mineure au plan médical, qui ne nécessite ni salle d’opération, ni contexte hospitalier. La réponse à cette question, posée souvent au cours des dernières semaines, reste une énigme. Nous ne croyons pas que des intérêts anti-choix soient derrière toute cette affaire. Au Québec, le droit à l’avortement n’est pas remis en question. L’opposition au projet de loi fédéral C-484, qui menaçait de façon sérieuse les droits des femmes en matière d’avortement, avait fait consensus au Québec, tant du côté de l’Assemblée nationale que du côté de la population avec 5 000 personnes qui avaient manifesté leur opposition dans les rues de Montréal en septembre 2008, en réponse à l’appel des mouvements féministe et syndical. Au Québec, depuis la décriminalisation de l’avortement, l’enjeu a toujours été au niveau de l’accès aux services. Et les avancées en la matière ont toujours été obtenues au compte-goutte, après de longues luttes, réclamations et mobilisations. Il aura fallu plusieurs années avant que de nouveaux budgets longuement réclamés ne soient débloqués en matière d’avortement et qu’au moins un point de service desserve chacune des régions du Québec (2001). Il aura fallu un recours collectif et une décision d’un tribunal pour que le gouvernement respecte son obligation d’offrir ce service gratuitement à toutes les québécoises (2006). Et il aura fallu la menace de la fermeture de la clinique de l’Alternative pour que le ministre arrête de mettre des bâtons dans les roues des trop peu nombreux intervenants en matière de services d’avortement au Québec. Malgré ceci, la saga de la loi 34 aura occasionné beaucoup de perte de temps, sans compter des milliers de dollars dépensés inutilement, pour les cliniques et les centres de santé des femmes, qui ont lutté pour préserver leur spécificité et qui avaient entamé les démarches pour se conformer aux nouvelles normes. Si ce ne sont pas des intérêts anti-choix qui sont derrière tout cela, alors ce ne peut être qu’un manque flagrant de volonté politique pour assurer aux femmes un accès facile, rapide, universel, respectueux de leurs choix, le plus humain et le moins médicalisé possible. Ce que la saga des dernières semaines révèle clairement, c’est aussi le manque d’écoute du ministère face à un ensemble d’intervenants qui font clairement consensus et l’absence de véritables processus de consultations. Il est navrant de constater que des articles de journaux sont devenus plus efficaces pour se faire entendre de nos élus que des mémoires ! Les médias laisseront croire que la question est maintenant réglée et que c’est un retour à la normale. Mais malgré le retrait de l’avortement de la loi 34, la lutte pour l’accès à l’avortement est loin d’être terminée. Encore aujourd’hui, cet accès demeure fragile, avec des femmes qui peuvent parfois devoir attendre jusqu’à quatre semaines avant d’obtenir l’intervention, avec des boîtes vocales comme service d’accueil, faute de personnel, avec seulement une cinquantaine de médecins qui pratiquent l’avortement au Québec, sans oublier le manque de formation et de préparation de la relève dans ce domaine. Moins de 25% des établissements du réseau public (centre hospitalier et CLSC) offre ce service, soit l’intervention comme telle ou encore les services de soutien et de counselling connexes. Les quatre cliniques privées sont toutes situées à Montréal et seulement trois régions bénéficient d’un centre communautaire de santé des femmes. La bataille de l’heure demeure la nécessité de faire débloquer les budgets nécessaires pour assurer aux femmes des services de qualité égale, offerts dans des conditions optimales, partout au Québec, dans des endroits chaleureux et réservés à cette fin, avec du personnel pro-choix, qui privilégie une approche globale, sans jugement et sensible à cette réalité peu banale dans la vie des femmes. En fait, toute embûche rencontrée par les femmes dans leurs démarches pour obtenir un avortement vient restreindre leur capacité d’exercer un de leurs droits les plus fondamentaux, soit celui de décider librement de leur maternité. Il serait grand temps que le gouvernement nous démontre, par des actions concrètes, sa volonté réelle de promouvoir et de respecter ce droit. Mis en ligne dans Sisyphe, le 18 août 2009. |