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samedi 13 novembre 2010

Jugement Himel - Poursuivre les proxénètes et les clients, pas les prostituées
Une décision judiciaire malavisée et potentiellement dangereuse

par Sarah M. Mah, chroniqueure invitée au Vancouver Courier






Écrits d'Élaine Audet



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À la lumière de la décision de la juge Himel d’abroger les lois interdisant la prostitution en Ontario, ce ne serait qu’une question de temps avant que ce différend ne refasse surface en Colombie-Britannique.

Dans son texte d’opinion du 20 octobre, "Laws against prostitution lead to death and misery", Tom Sandborn salue la décision récente de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique d’accepter d’entendre la contestation du Code criminel, déposée par un groupe représentant les femmes prostituées. Comme de nombreux partisans de la dépénalisation, il affirme que les lois mettent en danger la vie des femmes prostituées et que la décriminalisation du commerce rendrait les conditions de "travail" plus sécuritaires pour les femmes.

Au crédit de Sandborn, il cite l’argument féministe reconnaissant en la prostitution un phénomène intrinsèquement sexiste, raciste et classiste, et convient que nous devrions mettre fin à l’oppression des femmes. Bien qu’il semble d’accord avec cette analyse féministe, il poursuit en alléguant l’existence de lieux de rapports sexuels prétendument « consensuels » entre adultes, et abandonne tout appel au respect des lois au profit d’une priorité aux approches de réduction des méfaits.

Malheureusement, il fait une interprétation complètement fausse de ce que réclament les abolitionnistes féministes.

Le Canada fonctionne selon un modèle prohibitionniste, une expression de jargon qui signifie « criminaliser tout le monde », y compris les proxénètes, les clients et les prostituées. Les féministes ont toujours été en désaccord avec cette loi. Criminaliser les femmes pour leur engagement en prostitution est inacceptable.

Les lois canadiennes sont inadéquates, et il est vrai qu’elles mettent la vie des femmes en danger. Nous sommes aussi en plein accord avec le mouvement visant à décriminaliser les femmes impliquées dans l’industrie du sexe. Ce à quoi nous nous opposons, c’est la décriminalisation des hommes qui achètent et vendent des femmes – oui, nous parlons des proxénètes et des prostitueurs (ou « clients »).

Abolition, non prohibition

Sandborn a fait l’erreur séculaire de confondre prohibition et abolition. Pire, il n’est pas le seul. Une foule de Canadiens et de Canadiennes ignorent la différence ou même l’existence d’une autre solution. En essence, l’approche abolitionniste consiste à décriminaliser les personnes prostituées (qui sont généralement des femmes), à sanctionner les proxénètes et les clients (qui sont généralement des hommes), et à fournir des services de sortie du milieu aux personnes prostituées. Ces services doivent inclure une forme de revenu de subsistance, du logement, de la formation et des possibilités d’emploi.

La prostitution est une forme de violence contre les femmes. N’oublions pas que ce sont généralement les plus pauvres et les plus « racisées » des femmes qui sont prostituées. En outre, la plupart des femmes sont amenées à cette industrie à l’adolescence. Par conséquent, nous ne voyons aucune possibilité pour que la prostitution soit consensuelle ou sécuritaire tant que les hommes auront droit au corps des femmes sur demande.

Malheureusement, plusieurs groupes de pression prétendent parler au nom de toutes les femmes prostituées, mais ne représentent en fait que la minorité des femmes qui déclarent que la prostitution est un « choix », et continuent à le prétendre même après avoir témoigné de leurs propres antécédents de maltraitance d’enfants, d’agressions sexuelles et de prostitution en bas âge.

Sandborn soutient que la nécessité d’une réduction des méfaits l’emporte sur la nécessité d’un changement social radical, mais ne parvient pas à comprendre que l’abolition peut à la fois protéger les femmes à court terme et mettre fin à leur oppression à long terme. Il nous faut mettre fin aux sanctions imposées aux femmes prostituées, mais c’est une erreur de donner le feu vert aux proxénètes et aux clients pour étendre leurs activités et contrôler et violenter les femmes. Des endroits comme les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande ont fait cette erreur et sont maintenant aux prises avec l’expansion massive de la prostitution dans ces territoires, ainsi que du crime organisé et de la traite des personnes.

La décision de réformer les lois interdisant la prostitution n’est pas de type binaire. Au lieu d’interdire ou de décriminaliser la prostitution, le Canada peut adopter un modèle abolitionniste. Décriminaliser seulement les femmes prostituées. Appuyer leur liberté, leur sécurité, et leur accès aux ressources dont elles ont besoin. Ne criminaliser que les proxénètes et les clients. Les rendre redevables de leurs actes.

Sarah M. Mah est une diplômée récente de la Faculté des sciences de l’université de la Colombie-Britannique. Elle est membre de l’Asian Women Coalition Ending Prostitution (AWCEP).

Traduction autorisée par l’auteure.

© Copyright (c) Vancouver Courier

 Original : "Prosecute pimps and johns, not prostitutes. Court decision misguided and potentially dangerous", Vancouver Courier, 3 novembre 2010.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 7 novembre 2010



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Sarah M. Mah, chroniqueure invitée au Vancouver Courier



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