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samedi 29 janvier 2011

Le Brésil adopte une loi reconnaissant le concept d’aliénation parentale

par Ana Liési Thurler, sociologue, Forum des Femmes du District Fédéral Brasilia






Écrits d'Élaine Audet



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Le projet de loi 4.053, présenté le 07.10.2008 par le député Régis de Oliveira (PSC-SC – Parti Socialiste Chrétien de l’État de Santa Catarina), a eu un traitement rapide, avec un examen insuffisant de son concept-clé : l’aliénation parentale. Quelques jours après la mort de la fillette Joanna Cardoso Marins, martyre de l’aliénation parentale, le 13 août – cas qui a été mis dans les coulisses du Judiciaire –, le projet de loi s’est transformé en la Loi 12.318. Pourquoi tant de hâte ?

Des secteurs du domaine juridique ont importé la notion d’aliénation parentale, fabriquée par le Nord-Américain Richard Gardner (1931-2003), sans une recherche systématique ou validation scientifique, dans un cadre de défense de l’inceste et de la pédophilie (1). Pour Gardner, l’abus sexuel ne serait pas forcément traumatisant et des rapports sexuels entre adultes et enfants seraient inclus dans le répertoire naturel de l’activité sexuelle humaine. Selon lui, la société aurait une position punitive et prédicatrice par rapport aux pulsions pédophiles. En transformant des victimes en accusées, il n’hésite pas à transférer des responsabilités aux enfants qui prendraient des initiatives érotiques et séduiraient les adultes.

Malheureusement cette notion a été assimilée, au Brésil, à l’inverse des rejets internationaux : du Canada et de la France, de pays d’Amérique Latine (2) et des États-Unis. Là-bas, l’Organisation Nationale pour les Femmes (NOW) a inclus parmi les Résolutions de sa Conférence Nationale de 2006 une position sur cette notion (3), qui condamne l’appel au Syndrome de l’Aliénation Parentale (SAP), que NOW qualifie de syndrome discrédité favorisant les agresseurs d’enfants aux procès de garde. La NOW conseille à tout professionnel dont la mission entraîne la protection des Droits des Femmes et des Enfants de dénoncer l’utilisation du SAP comme contraire à l’éthique, inconstitutionnelle et dangereuse.

Les rapporteurs experts de la jurisprudence du SAP de au Congrès National de l’État de Rio Grande do Sul sont : Maria do Rosário (PT-RS – Parti de Travailleurs de l’État de Rio Grande du Sul), du PL 4.053, à la Chambre Fédérale ; Paulo Paim (PT-RS) et Pedro Simon (PMDB-RS – Parti du Mouvement Démocratique Brésilien), du PLC 20/2010, au Sénat Fédéral (4). Aucun de ces parlementaires ne souhaiterait sûrement la pédophilisation du pays. Pourquoi assumeraient-ils une cause si grave pour les droits des enfants et des femmes ? Par insuffisance d’information et de débats avec la société ? Par pression de lobbies insensibles à la victimisation d’enfants et de femmes, intéressés à la mercantilisation de la justice ?

Le SAP s’est répandu lors de dénonciations d’abus sexuel sur mineur dans les classes moyenne et supérieure, dans des secteurs détenant des ressources économiques pour payer des avocat-e-s et experts complices de la domination patriarcale. Il ne faut pas oublier que l’accès à la Justice n’assure pas l’égalité entre hommes et femmes. Au Brésil, les salaires des hommes sont nettement supérieurs à ceux des (5).

Avec les rôles sexuels construits socialement, les femmes sont encore les soignantes, même dans familles les plus paisibles. Quelques hommes commencent à briser des stéréotypes, mais ils représentent la minorité. Les femmes sont presque la totalité des soignantes au sein des familles monoparentales.

L’article 2 de la Loi de l’Aliénation Parentale (Loi 12.318/2010 mentionne “un des géniteurs (...) ayant un enfant ou adolescent sous son autorité, garde, surveillance”, ce qui pourrait laisser croire qu’on considère l’univers “géniteurs” de manière asexuée. Mais en considérant la réalité sociale, cette expression doit être comprise comme sexuée : ce sont les mères qui ont la garde dans plus de 95% des cas. Et elles sont présentées comme naturellement imaginatives et menteuses…

Il faut considérer que l’aliénation parentale :

  • Favorise le mythe de fausses mémoires d’abus sexuels et violences ;
  • Revictimise des enfants en les éloignant de la génitrice protectrice, ce qui est, quelquefois, fatal pour ces enfants ;
  • Banalise les agressions du père – contre la mère ou l’enfant -, en autorisant l’appareil judiciaire à remettre l’enfant à un père ayant un parcours violent ;
  • Se constitue en un instrument de délégitimation du témoignage de la mère et de l’enfant.

    Au Brésil, la démocratie et les Droits de l’Homme n’ont rien gagné à l’insuffisance de débats sur la Loi de l’Aliénation Parentale. Au contraire, son approbation fait de cette loi un instrument qui renforce encore la misogynie dans notre culture, criminalisant les femmes. De plus, elle rend possible davantage de cas tragiques, comme celui de la fillette Joanna Marins, dans lequel des pères négligents ou violents obtiennent la garde totale des enfants en les séparant des mères, ce qui a des conséquences tragiques.

     Cet article a été publié en version originale dans « Jornal Fêmea », de la Ong CFEMEA, Centre Feministe d´Études et Assessoriat, nº 167, Brasília/DF, Brésil – octobre-décembre 2010. Disponible sur ce site.

    Pour le livre d’Ana Liési Thurler, Au nom de la mère. La non-reconnaissance paternelle au Brésil, voir ces liens :
    www.abrasco.org.br ;
    www.livrariacultira.com.br
    www.editoramulheres.com.br

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 janvier 2011



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  • Ana Liési Thurler, sociologue, Forum des Femmes du District Fédéral Brasilia

    Sociologue, membre du Forum des Femmes du District Fédéral (Brasília-Brésil). Auteure de Au nom de la mère. La non-reconnaissance paternelle au Brésil



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