| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






mercredi 16 mars 2011


Journée internationale des femmes 2011
Brésil - Les luttes des femmes pour l’égalité et la justice

par Ana Liési Thurler, sociologue, Forum des Femmes du District Fédéral Brasilia






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Libérez l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh !
Anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza - Rana Plaza est partout !
Un génocide méconnu : 50 millions de femmes disparues en Inde
Brisons le stéréotype de la femme musulmane au Québec
Mossoul. L’heure des règlements de comptes
Argentine - Mourir parce que l’on est une femme : la triste réalité du féminicide, fléau qui endeuille le pays
Des Palestiniennes créent une banque de semences pour préserver leur héritage agricole
Misère, domination masculine et oppression : les réfugiées syriennes dans la tourmente
Toute notre solidarité avec les femmes et le peuple kurde - Appel à l’action
Pays arabes - La Dre Alyaa Gad enseigne la santé et la sexualité à une chaîne télé sur Youtube
Appel des femmes kurdes - La mentalité patriarcale de la complicité AKP-DAESH : figure la plus atroce du féminicide
Inde - Les Femmes en Noir, solidaires de la résistance collective à la guerre contre le corps des femmes
L’avortement sexo-sélectif au sein de la communauté indo-espagnole
Femmes, islam et autres ennuis
Les femmes de Turquie partent en guerre contre l’oppression
Teesta Setalvad, l’âme de la lutte pour la laïcité en Inde
Un viol, un assassinat de trop !
Brésil - “Clandestinas”, un documentaire qui brise le silence sur l’avortement clandestin
Bahreïn : des experts de l’ONU appellent à cesser la répression contre les militantes des droits de l’homme
Les femmes et la mission indienne Mars : une photo qui dit plus que 1000 mots
Les évangéliques brésiliens à l’assaut de la sexualité
La Brigade rose, des femmes indiennes combattantes
52 personnalités féminines du monde réclament un TPI en République Démocratique du Congo
Brève histoire du mouvement féministe tunisien
L’ONU minimise les mutilations sexuelles féminines et maintient le tabou du rôle des religions
Le gouverneur de l’État de New York dépose une « Charte des droits » des femmes pour combattre la discrimination à leur égard
Démocratie sans État laïque ? Le "hold up" des printemps arabes
Acquittement de Pinar Selek annulé - Une décision jamais vue dans l’histoire mondiale du Droit
Honneur aux dissidents anti-fondamentalistes, Chevalier de la Barre d’aujourd’hui
Bosnie - Est-ce justice de ne pas tenir compte du viol en temps de guerre ?
Obama, Madonna et nous
Histoires minuscules des révolutions arabes - Rencontre à Lyon le 19 octobre 2012
À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)
Le retour des religions, synonyme du retour du bâton contre les femmes !
Le voile islamique, "symbole culturel" aux Jeux olympiques de Londres
Caroline Fourest paie-t-elle le prix du féminisme ou de sa lutte contre les intégrismes religieux ?
La Commission de la Condition de la femme de l’ONU recule devant les pays qui invoquent les traditions culturelles pour bafouer les droits des femmes
Ana Pak, féministe iranienne en exil : "S’unir dans la classe des femmes"
Pourquoi la question de la Palestine est un enjeu féministe
Le film "Circumstance - En secret" soutient les valeurs masculines
Le piège et l’impasse du féminisme islamique
Le féminisme n’est plus le mouvement révolutionnaire qu’il a été
Sisyphe.org aura 10 ans en 2012 : des changements en cours
Il bat deux femmes ou abat la dignité de toutes les femmes ?
Mettons fin au massacre des femmes – Mettons fin à la lapidation !
Au nom de la démocratie, ce que les laïques et les femmes ont à perdre en Tunisie
Polygamie et charia en Libye - Les femmes se révoltent contre la décision du CNT et s’adressent à l’ONU
Le rôle des femmes dans la contestation sociale en Israël
Affaire Shafia : "crime d’honneur" ou accident ? La Presse
L’intégrisme orthodoxe et la Serbie
Une éducation algérienne : de la révolution à la décennie noire - Conférence de Wassyla Tamzali à Lyon le 30 septembre
Les femmes qui débarrassent le Liban des bombes à fragmentation
Poste de contrôle israélien sur la route de la maternité : lieu de naissance ou de décès ?
Femmes courageuses - Les prix ne vont pas toujours à celles et ceux qui le méritent !
Le féminisme polonais n’est plus ridiculisé
La mobilisation d’un village palestinien force les autorités à amender les lois sur les crimes dits d’honneur
Marie-Andrée Bertrand - Développer, nourrir et enseigner la pensée critique dans une démarche créative
Libérez toutes les prisonnières politiques des prisons israéliennes
Donner aux femmes les moyens de se protéger contre les violences sexuelles lors de conflits armés
Haïti - État de la situation des femmes : pré et post-séisme 2010
La démocratie et l’égalité entre les femmes et les hommes
Italie - Mauvais jour pour le sultan Berlusconi : des millions de femmes réclament sa démission
Islam et intégrisme - La liberté de pensée a disparu sous le tapis de prière
Une Irano-Néerlandaise pendue en Iran
Le « viol correctif » en Afrique du Sud
Sud-Soudan - Les femmes ont juré qu’elles ne resteront pas des citoyennes de seconde classe
Que gagneront les Tunisiennes à la révolution dans leur pays ?
Prostitution, point de rencontre entre l’exploitation sexuelle et exploitation économique
La femme grillagée - Chanson
Haïti - La vie après le séisme
La lapidation, forme ultime du contrôle des femmes
Tunisiennes et citoyennes par-dessus tout
L’Iran élu membre de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies
Algérie - Le lynchage des femmes de Hassi Messaoud se poursuit
J’ai mal à mon Algérie pour le sort qu’elle réserve à ses femmes
Hassi Messaoud - Halte à la “fatalité” de la terreur à l’encontre des femmes algériennes ! Quoi faire tout de suite
Le voile, symbole de l’instrumentalisation des droits des femmes pour un projet totalitaire
Trois mousquetaires au féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Matilda Joslyn Gage
Amnesty et les intégristes : une vieille histoire, l’exemple de l’Algérie
Lettre ouverte au Secrétaire général des Nations Unies concernant la scandaleuse situation lors de la 54ème Commission de la condition de la femme !
Islamisme - Rayhana et les autres
Tuées et lapidées partout dans le monde, les femmes sonnent la révolte
Une femme en colère. Lettre d’Alger aux Européens désabusés
Commémoration des massacres d’Algériens et d’Algériennes le 17 octobre 1961
Arabie saoudite - L’écrivaine contestataire Wajiha Al-Howeidar remet les hommes à leur place
Arabie saoudite - Appel contre le mariage d’une fillette de 10 ans
Appel au soutien contre la mise en place de la charia en France
Egypte - Obama et la prison des identités religieuses
Obama au Caire : une gifle aux femmes qui se battent contre le voile islamique
Un tribunal d’Arabie saoudite condamne une veuve de 75 ans au fouet et à la prison pour "crime de mixité"
Misogynie et géopolitique
Les femmes exigent un nouvel ordre mondial
MGF-excision : une banalisation de la santé des Africaines au Québec ?
Menaces de mort par un groupe de "talibans" contre des fillettes scolarisées au Pakistan
Participation des femmes libanaises à la vie politique : cinq raisons en faveur d’un quota
Shahrzad New, en anglais et en farsi
Une fillette de huit ans séparée de son mari doit craindre pour sa vie
Les femmes chinoises, les oubliées de la modernisation
Les femmes d’Okinawa aux militaires américains : "Cessez de nous violer et retournez chez vous."
7 avril, Journée mondiale contre les crimes d’honneur
Deux décennies de manifestations et d’espoir pour les Femmes en Noir
Quelle a été la situation des femmes en 2007 ?
Attaques à la bombe en Algérie - Appel de citoyens algériens aux organisations citoyennes, aux partis et aux syndicats progressistes
Qu’est-ce que la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies ?
Crime d’honneur en Syrie : le gouvernement doit sauver la vie d’une jeune femme ou se faire complice d’un assassin
Le Réseau international de solidarité avec les femmes iraniennes appelle à l’aide
L’Agenda des femmes 2008 - La parole aux filles de 9 à 12 ans
Bhawani Rana, une femme qui se bat pour d’autres
Le pouvoir politique de l’amitié
L’ONU, alliée des femmes ?
De partout des femmes interpellent l’humanité
L’UNICEF demande un meilleur accès à la santé et à l’éducation pour les femmes afghanes
Un héritage scandaleux de l’ONU au Timor
Hidjab, soccer et manipulation
L’application de la charia en France
Une juge allemande s’inspire du Coran pour excuser un mari violent
Père et fils condamnés pour avoir battu une jeune femme au nom de traditions religieuses
Vandalisme chez une dirigeante musulmane canadienne qui critique le port du voile
Un père désespéré appelle à sauver la vie de sa fille
Le mariage forcé tue !
« Nous rejetons la mondialisation néo-libérale et patriarcale »
Au Brésil, 2000 femmes détruisent des pépinières d’eucalyptus et un laboratoire de recherche
Égalité ! Égalité ! Égalité ! ...
Le programme du Hamas : la Charia et la haine des femmes !
Le « féminicide » dans les républiques « maquiladoras »
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU blâme sévèrement le Canada pour le traitement infligé aux femmes autochtones et aux détenues
Le message des femmes de la République de Guinée
La libération des femmes n’est pas un luxe réservé aux pays riches
Aung San Suu Kyi, 60 ans, toujours assignée à résidence
"Les femmes ne doivent rien, c’est à elles que l’on doit"
Le passé n’est pas un pays étranger
Ce code algérien de la famille vieux de 20 ans, ça suffit !
Assassinat d’une dirigeante syndicale en Colombie
La colère des femmes contre le viol dans le nord-est de l’Inde
La police du Soudan reçoit une formation sur l’aide aux victimes de violences sexuelles
Appel à la solidarité internationale pour le peuple haïtien
Des groupes de femmes demandent la démission de Miriam Tey, directrice de l’Institut de la Femme en Espagne
La directrice de l’Institut de la Femme édite un livre qui fait l’apologie du viol des femmes et des petites filles
En Iran, un texte de loi sur les droits des femmes soulève un tollé







Ana Liési Thurler


Pour souligner la Journée Internationale des femmes, le mouvement féministe et le gouvernement ont organisé des activités qui se dérouleront partout dans le pays au long du mois. Pour la première fois dans notre histoire, nous, les Brésiliennes, pouvons célébrer le 8 mars avec une femme qui nous représente à la présidence. Nous avons obtenu le droit de vote en 1932, après les combats des suffragettes menés depuis le XIXe siècle. Ce n’est que maintenant — presque 80 ans plus tard —, que nous avons effectivement conquis le droit d’être élues à la tête du pays.

Le 8 mars, le mois entier

À Brasilia, la célébration du 8 mars a commencé le premier mars par une séance conjointe de la Chambre des députés et du Sénat fédéral qui ont décerné le prix Bertha Lutz (1894-1976, féministe, suffragette et ex-députée) à cinq femmes connues pour leur défense des droits des femmes.

Au cours du mois, dans le District fédéral (Brasília) et les Départements, les féministes font des manifestations politiques, demandent audiences aux autorités locales et distribuent des documents concernant leurs revendications.

Entre le 30 Mars et le 2 avril aura lieu, à Brasilia, la deuxième Réunion Nationale de l’Articulation des Femmes brésiliennes (en portugais, ENAMB), qui a pour thème Transformer le monde par le féminisme.

Dès le début de l’année, dans tout le pays, les femmes préparent leur participation. Elles font la promotion des activités qui rendront possible sur le plan financier la venue de toutes à Brasília et elles entament des discussions sur les axes de mobilisation suggérées :

Axe 1 - Comment est le monde maintenant et ce que nous voulons transformer.
Axe 2 - Perspectives féministes sur la situation des femmes.
Axe 3 – Comment rejoindre les gens pour changer le monde.
Axe 4 – Nos combats féministes.

Cette rencontre nationale est une invitation lancée par des groupes féministes autonomes à l’ensemble des femmes. On y prévoit la participation de 1 000 femmes de tout le pays, et toutes les catégories sont représentées : les femmes noires, les indiennes, les lesbiennes, des femmes des mouvements syndicaux, des jeunes féministes et des féministes de longue date, des agricultrices, des femmes de la campagne et d’autres des villes.

Distribution du pouvoir, participation des femmes

Quel est le statut des femmes dans la société brésilienne ? Je veux partager quelques renseignements sur la participation des femmes brésiliennes au pouvoir ; leurs combats contre les violences sexistes ; leurs luttes pour leurs droits reproductifs et l’avortement ; le travail et les garderies.

Forum Social Mondial – Belém du Pará – Janvier 2000. Photo : Articulation des Femmes Brésilliennnes - AMB

Ayant lutté toute sa vie pour l’instauration de la justice et de l’égalité, contre l’autoritarisme et la dictature militaire et pour une démocratisation véritable du pays, la Présidente Dilma a annoncé que les femmes seraient la grande priorité de son gouvernement. En formant son équipe, elle a essayé d’atteindre une représentation féminine de 30% à son conseil des ministres. Elle a réussi à nommer neuf femmes ministres (24%) sur 37. Néanmoins, il s’agit à ce niveau gouvernemental d’un partage de pouvoir sans précédent au Brésil.

Les inégalités entre les femmes et les hommes, qui découlent de l’ordre socio-sexuel — néolibéral, capitaliste, patriarcal —, se manifestent dans la répartition inégale du pouvoir et des représentations. En dépit des progrès obtenu avec l’établissement du quota de 30% pour les candidatures au Congrès, les femmes ne comptent que pour 10% des législateurs. Le Brésil occupe le 111e rang au monde pour la participation des femmes au Parlement. Certes, le nouveau gouvernement a fait des efforts pour changer les choses, mais il n’a pas dépassé la représentation des femmes dans l’administration précédente, soit 43 députées et 12 sénatrices. On note une situation semblable au niveau des départements : le nombre de femmes aux assemblées législatives n’a pas augmenté.

Le mouvement féministe veut construire, au-delà des partis politiques, un dialogue avec ces femmes, dont 55 parlementaires. Il lui faut se montrer vigilant afin qu’il n’y ait pas de reculs ni de perte de droits acquis dans le domaine des lois et des politiques adoptées. Ce combat se heurte à des obstacles importants, avec un Parlement conservateur, ainsi que des groupes religieux et fondamentalistes qui résistent à l´établissement d’un État laïque. Ces derniers bloquent tout progrès, surtout en matière de droits reproductifs, et contestent la Loi Maria da Penha, une conquête historique des Brésiliennes contre la violence sexiste.

Les luttes contre les violences sexistes

Les violences envers les femmes, comprises comme des manifestations de l’ordre patriarcal, ont mobilisé les femmes mais ont suscité aussi de la résistance chez les hommes. Dans les années 1970, les femmes ont mis sur pied des groupes de réflexion et d´accueil pour les femmes victimes de violence sexiste. Elles ont revendiqué auprès du gouvernement la mise en place de politiques publiques pour la combattre. Dans les années 1980, elles ont obtenu la création des “Delegacias Especializadas de Atendimento à Mulher” – DEAM (Commissariats spécialisés dans les questions féminines).

Forum Social Mondial – Belém du Pará – Janvier 2000.
Photo : Articulation des Femmes brésilliennnes - AMB

En 2006, la Loi Maria da Penha a été approuvée et, tout de suite, on a demandé à la plus haute Cour de Justice au pays (STF) de se prononcer sur sa constitutionnalité. Cette Cour, composée de 11 ministres — dont seulement deux femmes —, demeure silencieuse alors qu’une déclaration qui confirmerait la constitutionnalité de la loi contribuerait à réduire le taux de féminicides. La Loi Maria da Penha a subi de fréquentes et graves menaces aux plans judiciaire et législatif. Les résistances masculinistes se sont exprimées fortement face à l’éventualité d’apporter des changements dans les rapports sociaux de sexe.

Les Droits reproductifs sont des Droits humains :
pour la légalisation et non seulement la dépénalisation de l’avortement

Selon les estimations officielles, chaque année au Brésil environ un million de femmes sont poussées à recourir à des avortements clandestins. Ces avortements constituent la quatrième cause de mortalité maternelle et, ce qui est le plus pervers, cette situation crée des écarts entre classes et ethnies : la mortalité maternelle touche surtout les femmes les plus pauvres et les femmes noires. Cependant, cette situation dramatique ne convainc pas les pouvoirs androcentriques en place d’adopter des mesures pour sauver la vie des femmes.

La dépénalisation de l’avortement éviterait l’emprisonnement des femmes qui recourent aux avortements clandestins, mais elle ne suffirait pas. Il faut voir l’avortement dans le contexte des questions de santé et des droits reproductifs, c’est-à-dire comme un droit humain. Il faut légaliser l’avortement, en faire une question de santé publique qui engage la participation du réseau de santé public.

En réponse à une demande de l’ONG « Catholiques pour un libre choix », l’IBOPE a entendu 2 002 Brésilien-nes dans 140 municipalités, lors d’une enquête menée en novembre 2010. La question Qui doit décider sur l’interruption de la grossesse ? a obtenu les résultats suivants : 61%, la femme elle-même ; 6%, le mari/partenaire ; 5%, le système judiciaire ; 3%, l’Église ; 2 %, le/la Président-e ; 1%, le Congrès National.

Une grande majorité de la population croit donc que la décision d’interrompre une grossesse non planifiée devrait être prise par la femme. Toutefois, cette dernière dépend du Parlement pour que cette décision ne soit clandestine. Une recherche menée par la Fondation Perseu Abramo, en août 2010, auprès de 3 546 électeurs et électrices, a mis en lumière un cercle vicieux qu’il faudrait briser. Dans le groupe étudié, 57% des électeurs ont déclaré qu’ils ne donneraient jamais leurs votes à des candidat-e-s défenseurs de la légalisation de l’avortement. Alors, un-e candidat-e se prononçant explicitement pour la légalisation de l’avortement ne serait pas élu-e, en ce moment, dans la société brésilienne.

En 2004, la coalition féministe « Journées brésiliennes pour le Droit à l’Avortement Légal et Sûr » a été créée, préconisant un changement légal afin de reconnaître l’avortement comme un problème de santé publique. En 2008, la 11e Conférence Nationale sur les Droits Humains a approuvé la légalisation de l’avortement au nom du respect de l’autonomie des femmes. En 2009, le 3è Programme National des Droits Humains a inclus dans ses préoccupations la question de l’avortement, « en considérant l’autonomie des femmes à décider de leur corps ».

Ce 8 mars 2011, journée instituée pour marquer les luttes des femmes dans le monde pour leur liberté et leur autonomie, les Brésiliennes se mobilisent encore afin d’être reconnues comme sujets politiques, d’affirmer leur liberté de décider de leur corps, de leur vie, de leur destin.

Le monde du travail

Il y a quelque chose de nouveau au Brésil dans le monde du travail : les femmes sont entrées dans des territoires qui, jusqu’à récemment, étaient masculins, par exemple dans la construction et l’exploitation minière. Au sud de l’État du Pará, dans les mines de Carajás et Serra Pelada, il y a 20% de travailleuses. Parmi les 641 personnes recrutées depuis 2007 par l’entreprise d’exploitation minière canadienne Colossus, il y a 131 femmes (20%). La Companhia Vale do Rio Doce emploie dans sa mine de minerai de fer, 7 776 personnes, dont 996 sont femmes (13%) : 23% occupent des fonctions de haut niveau (ingénieurs, analystes, géologues) et 58% des fonctions de niveau moyen.

Photo : Congresso em Foco

De façon générale, la présence des femmes sur le marché du travail a cru de façon significative : elle a presque triplé entre 1970 et 2007, passant de 18% à 53%. Cela signifie une augmentation de plus de 32 millions de femmes dans la population économiquement active. Cependant, au sein de la classe ouvrière, les femmes sont les plus mal payées et, dans l’ensemble du marché, c’est chez les femmes qu’on enregistre le plus haut niveau de travail au noir ou sans contrat. C’est le cas notamment des travailleuses domestiques.

Dignité, Respect, Justice

Le pays compte environ 8 millions de travailleurs et de travailleuses domestiques. En 2009, 72,8% se retrouvaient dans l’économie informelle : elles n’avaient aucun contrat de travail. Presque tous sont des femmes — 94,7% pour seulement 5,3% d’hommes. Le gouvernement Dilma annonce des mesures interministérielles pour la reconnaissance du statut de travail domestique, en défendant au Parlement l’expansion des droits à la sécurité sociale, ainsi qu’un accès véritable à la retraite.

Le droit à des garderies

Les femmes se sont battues pendant des décennies pour obtenir des crèches ou des garderies, mais elles n’ont pas encore réussi à atteindre leur objectif. Le Brésil a environ 10 millions d’enfants de 0 à 3 ans, et on laisse à leurs mères seules la responsabilité de résoudre – en privé et individuellement - la question de la garde de ces enfants. Les femmes noires sont parmi les plus pénalisées : elles représentent 60% des personnes chefs de familles dont le revenu atteint 300$US (le salaire minimum brésilien). La présidente Dilma a confirmé l’objectif ambitieux de créer 6 000 places en garderie d’ici la fin de son mandat en 2014.

Alors, les défis sont grands dans notre pays, mais en ce 8 mars 2011, nous vous assurons que le combat continue.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 mars 2011



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Ana Liési Thurler, sociologue, Forum des Femmes du District Fédéral Brasilia

Sociologue, membre du Forum des Femmes du District Fédéral (Brasília-Brésil). Auteure de Au nom de la mère. La non-reconnaissance paternelle au Brésil



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2011
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin