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vendredi 17 juin 2011

Affaire DSK : à qui profite le crime ?

par Anne Zelensky, auteure






Écrits d'Élaine Audet



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Dans cette ténébreuse affaire, dont Balzac aurait fait un roman, il faut se garder plus que jamais des apparences. Le vrai suspect n’est peut-être pas celui qu’on croit, même s’il n’est pas totalement innocent. Se joue là sans doute un scénario dont les complexes implications nous échappent et qui relèvent, non d’un complot, mais de troubles tractations internationales, d’autant plus envisageables que l’accusé était Directeur du FMI. Pour autant, sa culpabilité n’est pas à exclure, compte tenu de ses antécédents.

Ce qui m’intéresse dans cet enchevêtrement d’événements, ce sont les retombées collatérales pour la cause des femmes. Elle la sert incontestablement, en provoquant par raccroc, une salutaire réflexion sur l’état réel de la relation homme/femme. Celle-ci demeure, malgré d’incontestables avancées – le scandale provoqué en est la preuve - toujours basée sur un rapport de force qui tourne le plus souvent au désavantage des femmes. Rien d’étonnant à cela, l’histoire avance à pas de sénateur, mais on fait comme si poser un problème conduisait à sa résolution immédiate.

Un tremblement de terre n’est que l’émergence d’un profond travail tellurique interne. De la même façon, l’affaire DSK est l’explosion à la surface de notre conscience d’un profond processus de désintégration. Désintégration d’un modèle millénaire de relations homme/femme. Ce qui se trame dans l’invisible depuis quelques décennies éclate ainsi. On a pu dire qu’il y aurait un avant et un après. Cette affaire n’est en fait qu’un épisode, certes bruyant, de ce lent mouvement qui fait dériver la barque humaine, chargée à l’origine de ses deux partenaires « naturels », vers d’autres rivages que ceux de la domination. La figure du mâle dominant, puissant, arrogant, prototype viril, proposé en exemple aux hommes mâles et supposé fasciner les femmes, prend là un sérieux coup de plomb dans l’aile. Il ne tient plus la route, le chevalier tout en armes, coupé de ses larmes et de son cœur. Descendu en flèche par la mise en accusation d’une simple ancillaire. Volée en éclats une impunité séculaire.

Car après tout, rien que de très banal dans cette affaire. Il y a des millénaires que les hommes, surtout puissants, s’arrogent le droit de harceler, forcer, violer les femmes, avec leur supposé consentement. Longue et douloureuse histoire de ces innombrables filles engrossées à leur insu, abandonnées avec progéniture, mariées de force, prostituées par nécessité. L’ordinaire de la condition féminine, en quelque sorte. Pas facile d’ailleurs pour les « harcelées » de dire un non franc et massif, on y risque parfois sa vie, souvent sa réputation, on ne sait pas toujours ce qu’on veut vraiment, l’image du Prince charmant se mélange à celle de Barbe Bleue. Le consentement ? Quand il y a déséquilibre dans la relation, il n’est jamais net. Il peut avoir des causes multiples et troubles : peurs, besoin de tendresse, désir de s’attacher l’homme.

Les choses sont restées en place pendant des millénaires. Puis cet équilibre dans le déséquilibre a commencé à se lézarder, il y a à peine deux petits siècles, avec l’émergence d’un mouvement collectif de femmes. La fameuse Révolution, qui nous a si mal traitées, a quand même donné à nos aïeules l’idée de s’unir pour réclamer l’égalité et les droits qui vont avec. Ces droits sont tous le résultat de leurs luttes longues et acharnées. Ce n’est pas au général de Gaulle qu’on doit le droit de vote, il n’a fait que ratifier une ordonnance qui donnait enfin satisfaction à des décennies de suffragisme. Le mérite de la loi Veil revient autant à sa courageuse promotrice qu’aux actions du Planning familial et à ces milliers de femmes qui sont descendues dans la rue, et ont signé des manifestes pour la liberté de disposer de son corps. Désigner un-e responsable revient à nier ce processus qui a engagé toute une population.

L’Histoire ne se limite pas à son actualité, elle est à comprendre en perspective, en travelling permanent. La figer dans le moment qu’est toujours l’actualité est une erreur entretenue par un système médiatique avide de pseudo- inédit. En détachant un phénomène de son processus, on fausse gravement la compréhension du mouvement général dont il témoigne. L’affaire DSK appartient à une évolution due à l’avancée de nos sociétés occidentales, impulsée et entretenue par un des mouvements les plus décriés et les plus essentiels de notre histoire : le féminisme.

Pavé dans la mare patriarcale, elle met à mal une illusion dangereuse. Celle qu’un mouvement social, basé sur une profonde et longue domination, peut ne plus avoir raison d’être, sous prétexte qu’il a fait reculer des aspects de cette domination. Ainsi en va-t-il de la doxa qui proclame le féminisme mort et dépassé. Les raisons qui ont motivé l’apparition du féminisme ont-elles disparu ? Apparemment non, si l’on en juge la litanie des discriminations et inégalités liées au sexe. Nier leur réalité contribue à les entretenir.

Ce n’est pas un hasard si DSK est français. C’est de l’hexagone qu’émanent les plus arrogantes leçons au monde entier, sur le modèle français de présumée « bonne entente homme/femme ». En fait, cette mythologie sert à entretenir un des machismes les plus sournois qui soient. À cet égard, notons que les bourdes les plus massives sur notre affaire ont émané d’hommes de gauche ou de médias classés de ce côté-là de l’échiquier politique. On peut comprendre leur sidéral étonnement devant ce changement complet de paradigme : ce qui était banale affaire de « troussage de bonne » devenait scandale et affaire d’état. La « sainte alliance des mecs » renforcée à gauche a fait corps autour de son hérault. Les belles idées n’ont jamais empêché les sales pratiques.

Rappelons que c’est à gauche que se recrutent les admirateurs de Sade, les défenseurs acharnés de la pornographie, au nom de la liberté d’expression, les héritiers fiérots d’une tradition libertine et les promoteurs d’une libération sexuelle qui se résume à pouvoir disposer librement du corps des femmes. Ce sont les mêmes qui nous traitent régulièrement de puritaines et moralistes sous prétexte que nous n’avons pas la même interprétation de ladite libération sexuelle : disposer de nos corps et de notre plaisir, mais pas être à disposition.

La bombe DSK nous met sous le nez ce que nous ne voulons pas voir : qu’on ne règle pas en un claquement de doigt la plus vieille oppression du monde, qu’il y aura encore de nombreux épisodes à cette série inépuisable qui confine à la tragédie : la zizanie des sexes. Le féminisme n’en est qu’à ses balbutiements : la lutte pour l’égalité. Reste le plus dur : s’appuyer sur cette égalité pour repenser ensemble, hommes et femmes, le monde que nous voulons reconstruire.

Source : Riposte laïque, le 13 juin 2011. Publié sur Sisyphe avec l’autorisation de l’auteure.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 juin 2011



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Anne Zelensky, auteure
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    (1/3) 3 juillet 2011 , par

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  • Affaire DSK : à qui profite le crime ?
    3 juillet 2011 , par   [retour au début des forums]
    D SK

    VICTIME PAS VICTIME ?
    Réponse à une lectrice
    http://laicite.over-blog.com/article-victime-pas-victime-78409008.html

    Affaire DSK : à qui profite le crime ?
    20 juin 2011 , par   [retour au début des forums]

    L’affaire a eu lieu, il aura des retombées, quelles qu’elles soient. Une pensée intéressante : pour que François Mitterrand si célébré récemment ait protégé sa vie privée et sa fille Mazarine comme nous savons qu’il l’a fait, c’est bien parce qu’il savait jusqu’où des adversaires politiques (ou des intérêts économiques) étaient capables d’aller dans la manipulation.... c’est à cela qu’on reconnait un homme politique de stature présidentielle, à ces précautions et disciplines qu’il s’impose pour ne pas tomber dans de telles chausses trappes. Visiblement, DSk n’est pas de cette qualité. A moins de soutenir réellement et sans discussion Madame Royal on ne voit pas comment le PS peut maintenant l’emporter en 2012. De même beaucoup ne voyaient pas DSK capable de mener cette campagne présidentielle ; il semblait plus à l’aise dans un système politique 4ème république, désigné ou élu par des notables (donc perdant à tout les coups dans la 5ème ) que capable d’emporter la mise dans l’urne du bulletin à son nom dans l’élection présidentielle au suffrage universel.Envie d’un liveshow avec une femme sexy ou plutot un plan cam avec une superbe creature.

    Affaire DSK : à qui profite le crime ?
    19 juin 2011 , par   [retour au début des forums]

    Je suis d accord sur le fond de l’article. Mais je me permets d ajouter ceci :
    cette affaire révèle aussi la puissance de la parole devant la justice. N importe quelle femme peut dire avoir été violé par un homme sans preuve au delà de sa parole. Si elle ment, un homme francais moyen se retrouve en prison. Ce pouvoir de réplication est tout de meme extrememnt violent, et je pense que cela relativise votre point de vu sur une société uniquement macho car comme dans tous sujet : il y a des coté macho et des cotés feministes qui creent un équilibre basé sur des desequilibres.

    • Affaire DSK : à qui profite le crime ?
      27 juin 2011 , par
        [retour au début des forums]

      Le féminisme n’est pas un extrêmisme... et encore heureux qu’il lutte contre le machisme.

      Et le féminisme ne recherche pas -ou ne constitue pas- un équilibre par opposition à l’extrêmisme qu’est le machisme... encore une personne qui s’amuse à parler sans avoir vraiment chercher à savoir ce que font les militantes féministes, ou ce qu’est le féminisme.

      Non, un homme ne se retrouve pas en prison s’il est accusé de viol, et qu’il n’y a pas de preuves... arrêtons de propager des âneries.

      Beaucoup de femmes ne portent pas plainte car ce serait uniquement leur parole contre la parole de l’autre.

      [Répondre à ce message]

    • Affaire DSK : à qui profite le crime ?
      28 juin 2011 , par
        [retour au début des forums]

      Une fois de plus, un recyclage d’absurdités machistes : la supposée fréquence des fausses plaintes pour viol.
      Une femme violée transforme sa vie en enfer pour des années si elle porte plainte, on le voit avec ce qui arrive à Nafissatou Diallo, qui retirera sans doute des dommages financiers de ce qui lui est arrivé parce que le présumé violeur est un homme riche, mais qui est traumatisée par la médiatisation mondiale de son agression et déshonorée à vie dans sa communauté.

      Pour les femmes qui n’ont pas été violées par des hommes riches, ce qu’elles retirent d’une plainte pour viol, c’est : harcèlement judiciaire pendant des années, répéter le récit de leur viol X fois devant des interlocuteurs le plus souvent indifférents, voire malveillants ou ricanants, voir leur intimité étalée en place publique, être enfermée à vie dans une identité de violée et stigmatisée comme telle, leur vie passée au peigne fin par les avocats de la défense qui les présentent comme une traînée pour la moindre peccadille, tout ça pour voir les violeurs condamnés à des peines ridicules ((2 ou 3 ans de prison) et revenir dans leur quartier à leur sortie de prison, pour les narguer voire les menacer—et j’en passe.
      Quelle femme a envie de subir cette torture au long cours pour un viol imaginaire ?

      En fait, beaucoup de femmes violées choisissent de ne pas porter plainte pour ne pas subir cette double peine : le viol, qui est au moins une violence brève, plus le traitement judiciaire du viol, qui les broie dans la grosse machine de la justice , lentement et insidieusement, maltraitance hypocrite qui se fait au nom de la protection de la personne concernée.

      La législation concernant la durée des peines encourues pour viol n’est pas appliquée en France, ce qui est au bénéfice des violeurs ; par contre, l’expertise de crédibilité qui ne concerne que la victime et pas l’auteur du viol lorsqu’il le nie l’est toujours ; pourquoi ce double standard ?

      En fait, la législation française sur le viol, dans sa lettre comme dans son application, est encore marquée de préjugés sexistes. Sachant combien la justice française est encore indulgente envers les auteurs de viol et combien la procédure judiciaire est longue et pénible pour les victimes, je comprends les femmes qui choisissent de ne pas porter plainte.

      Faire une fausse plainte pour viol, c’est à peu près aussi fréquent et aussi plausible que de choisir de subir une opération chirurgicale dangereuse et douloureuse si l’on n’est pas malade.

      [Répondre à ce message]


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