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mercredi 6 juillet 2011 Bedford c. Canada - Les effets prévisibles de la décriminalisation du proxénétisme
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Le 28 septembre dernier Susan Himel, juge de la Cour supérieure de l’Ontario, a déclaré inconstitutionnels certains articles du Code criminel canadien concernant les activités liées à la prostitution. Il s’agit de l’article 210, qui interdit de tenir ou de fréquenter une maison de débauche, de l’article 212 qui interdit de vivre des fruits de la prostitution d’une autre personne, et de l’article 213, qui interdit de communiquer à des fins de prostitution. La confusion dans le débat que cette décision a soulevée provient de ce que beaucoup de personnes croient que le jugement rendu porte sur la légalisation de la prostitution qui, dans les faits, est déjà légale au Canada. Implications Je crois qu’avant d’appuyer sans nuance, même avec les meilleures intentions du monde, la décriminalisation de toute activité liée à la prostitution, il est important de bien comprendre ce qu’implique l’abrogation des 2 premiers articles. L’article 210 concerne à la fois les prostitué(e)s, les clients et les proxénètes sans faire de distinction alors que l’article 212 concerne exclusivement les proxénètes. Invalider les articles 210 et 213 protègerait certes les prostitué(e)s des arrestations, ce qui est souhaitable à mon avis, mais il est clair que ce sont les proxénètes qui seraient les seuls gagnants d’une éventuelle abrogation de l’article 212, au détriment des personnes prostituées. Les arguments en faveur d’une décriminalisation totale du proxénétisme et de l’établissement de maisons closes légales sont variés. Cela va de la nécessité d’encadrer la prostitution, pour que les personnes prostituées puissent travailler dans des conditions plus sécuritaires et avoir plus facilement accès à des soins de santé, à l’obligation de payer des impôts qui permettraient au gouvernement de tirer profit de la prostitution comme il le fait déjà avec le jeu. Les bordels légaux emploieraient des personnes majeures qui auraient droit à des avantages sociaux et devraient subir des contrôles médicaux réguliers. Le contrôle par le crime organisé La prostitution est l’un des commerces les plus lucratifs dans le monde, avec les armes à feu et le trafic de drogue. Tout comme la danse nue, elle est depuis longtemps contrôlée par le crime organisé. La légalisation du proxénétisme pourrait certes enlever un peu de son pouvoir à ce dernier, mais ce n’est pas un milieu qui accepterait avec grâce que la légalisation des activités liées à la prostitution lui coupe l’herbe sous le pied ! La légalisation de la danse contact n’a d’ailleurs pas mis fin à la mainmise des groupes criminalisés sur de nombreux bars de danseuses ni aux graves représailles guettant les propriétaires qui refusent la vente de drogue dans leur établissement. Légaliser la prostitution n’empêchera pas non plus les réseaux de prostitution de continuer à attirer, avec la complicité du gouvernement fédéral, des jeunes femmes en provenance d’Europe de l’Est ou du Sud-Est asiatique sous de faux prétextes, comme un mariage arrangé, un emploi de gardienne d’enfant ou de femme de ménage. Une fois au pays, elles seront encore susceptibles d’être forcées à danser nues et à se prostituer ou, encore, seront vendues à d’autres réseaux de prostitution. Dans les pays qui ont légalisé les activités liées à la prostitution, comme le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, le nombre de prostituées d’origine étrangère est d’ailleurs en augmentation. Le client a toujours raison Dans le milieu de la prostitution plus que n’importe où ailleurs, le client a toujours raison. Un système de bordels légaux n’améliorerait en rien le sort des personnes ne remplissant pas les critères de sélection pour y oeuvrer, il ne ferait que les marginaliser davantage. Ainsi les personnes immigrantes en situation irrégulière, celles qui ont des problèmes d’alcool, de drogue ou de santé mentale, de même que celles qui sont atteintes du VIH/SIDA ou de toute autre ITS, continueraient à chercher ailleurs les moyens de subsister. Les bordels légaux opéreraient aussi sans doute une sélection sur la base de critères physiques : âge, apparence, poids, origine ethnique, etc. Il pourrait aussi y avoir des licenciements suite à une modification du physique, une grossesse ayant laissé des traces, par exemple. Dans ce genre de cas de discrimination, le fardeau de la preuve revient bien souvent à la victime. Dans les bars de danse contact, des danseuses subissent des pressions de la part de leur employeur pour laisser les clients les toucher à l’entrejambe ou avoir des rapports sexuels avec eux (même si le règlement de l’établissement interdit ces pratiques), après avoir subi des pressions pour accepter de pratiquer la danse contact elle-même lorsque cette dernière fut légalisée. Ça ne risque pas de s’améliorer avec la légalisation du proxénétisme ! Certains bordels pourraient aussi mettre leur personnel devant l’obligation d’avoir à choisir entre accepter certains petits « extras » (rapports sexuels non protégés ou une augmentation du nombre de clients par jour) et le renvoi. Le harcèlement psychologique ou sexuel se produit déjà dans les milieux de travail les plus divers. Je vous laisse imaginer les proportions qu’il peut prendre dans le « travail du sexe » ! Des besoins sexuels insatisfaits ne sont pas la seule motivation derrière le recours aux prostitué-es, sinon la masturbation y pourvoirait sans peine, et ce pour le prix d’une boîte de mouchoirs ! Il y aura toujours une clientèle exigeant des prostitué-es mineur-es, voire des enfants, recherchant des rapports sexuels non protégés ou encore guidée par des fantasmes de viol et de torture. Comme dans les cas d’accoutumance à une drogue, cette clientèle en demandera toujours plus pour satisfaire ses fantasmes et ne sera jamais intéressée par des bordels légaux où les condoms seraient obligatoires, où tout-es les prostitué-es seraient majeur-es et où il serait impossible d’être violent. Le propre de la clandestinité, c’est de répondre à une demande qui n’est pas satisfaite par ce qui est légalement disponible. « …des recherches effectuées dans le quartier Downtown East Side à Vancouver montrent que la plupart des hommes qui achètent des femmes prostituées dans le quartier le plus pauvre du Canada – femmes dont bon nombre sont autochtones et dont la plupart affirment qu’elles arrêteraient immédiatement de vendre leur corps si elles avaient d’autres moyens de gagner leur vie – peuvent en fait se permettre d’acheter des femmes à des fins de services sexuels dans des agences d’escortes et des salons de massage. En somme, les hommes ont assez d’argent pour acheter des services sexuels dans un lieu sécuritaire et propre, mais ils en décident autrement. » (Résolution contre la prostitution adoptée le 24 mai 2008 par L’association canadienne des sociétés Élizabeth Fry). J’ajouterai que les prostitué-es qu’un système de prostitution légale excluraient seraient plus marginalisées que jamais et se retrouveraient systématiquement avec les clients les plus dangereux, eux-mêmes exclus du système, un système qui, on peut s’en douter, en laissera pourtant passer beaucoup avant de sévir ! Perte d’un outil essentiel La légalisation du proxénétisme priverait la police du seul outil légal dont elle dispose actuellement contre les proxénètes qui forcent des femmes à se prostituer en utilisant les menaces de représailles et la violence pour les faire taire. Ces femmes ne doivent souvent leur salut qu’à une intervention policière. Celles qui sont en situation irrégulière, utilisent de faux papiers d’identité, ont un dossier criminel ou souffrent de problèmes de drogue ne sont pas portées à demander de l’aide de la police (qui n’est pas souvent disposée à la leur accorder, soyons honnêtes). Ne parlons même pas des tribunaux, il suffit de voir à quel scepticisme se heurte encore les victimes d’agression sexuelle lorsqu’elles sont agressées par une personne en qui elles avaient confiance pour imaginer celui auquel se heurteraient les prostituées violées par des clients, si d’aventure elles cherchaient à obtenir justice ! On l’a souvent répété dans les cas de violence conjugale : si la victime ne porte pas plainte, la police ne peut rien faire, à moins de prendre le coupable sur le fait. Même lorsqu’il y a plainte, la justice a prouvé maintes fois son incapacité (son manque de volonté ?) à protéger les personnes victimes de violence conjugale. De plus, ce n’est un secret pour personne que plusieurs aides domestiques d’origine étrangère sont traitées comme de véritables esclaves, ici même, et se taisent, de peur d’être renvoyées dans leur pays. Que pourra faire la police devant une femme terrifiée « travaillant » dans une maison close et jurant qu’elle est là de son plein gré et bien traitée ? Dur métier pour le « sexe faible » Je m’éloigne un peu du sujet. mais je constate combien il est ironique d’entendre ceux qui s’opposent aux métiers non traditionnels pour les femmes et à l’équité salariale justifier leur position en disant que les femmes ne sont pas faites pour les métiers dangereux ou exigeants physiquement. Ils n’ont pas pensé à toutes ces femmes et ces jeunes filles arpentant les rues hiver comme été, parfois obligées de « faire » des douzaines de clients par jour, même souffrantes, enceintes ou sans protection (et ce, y compris dans les pays où le VIH/SIDA est endémique). Certaines subissent plusieurs avortements et sont confrontées aux menaces, aux insultes, au harcèlement, aux coups et aux agressions. Peu d’hommes supporteraient avec le sourire de telles conditions de travail, la vie n’est d’ailleurs pas tellement plus rose pour les hommes qui se prostituent ! La prostitution, un métier comme un autre ? Je ne veux surtout pas généraliser mais dans combien de métiers trouve-t-on autant de personnes ayant commencé à travailler comme des adultes à 14 ans en moyenne ? De personnes ayant subi violence domestique, inceste ou agressions sexuelles ? De personnes ayant des antécédents de dépression, de pensées suicidaires, de consommation d’alcool ou de drogues dures ? Dans combien de corps de métier entend-on autant de personnes parler de leur désir d’en sortir ? Même lorsque pratiqué dans les conditions les moins dangereuses possibles, l’acte prostitutionnel portera toujours atteinte à l’intégrité physique et psychologique de la personne qui la pratique. J’aimerais également souligner toute l’hypocrisie du double standard qui fait considérer la prostitution comme un métier banal tant qu’on parle de la fille, de la soeur, de l’amie ou de l’amoureuse des autres (lorsqu’on parle de prostitution masculine, le discours diffère souvent). La belle ouverture d’esprit face à la prostitution féminine se referme comme une porte à ressort aussitôt que surgit l’idée que la personne prostituée pourrait être une personne proche. Faites donc un petit sondage maison dans votre entourage afin de voir si ceux qui sont les plus ouverts à la décriminalisation du proxénétisme sont aussi à l’aise avec l’idée que leur conjointe ou leur fille se prostitue ! La légalisation de l’article 212 ne concernant pas que les maisons closes mais aussi le proxénétisme à petite échelle, demandez-leur s’ils aimeraient serrer la main du petit ami de leur fille en sachant que c’est lui qui lui trouve des clients et surtout qui empoche l’argent ! Tant qu’à pousser la logique jusqu’au bout, vous pouvez même évoquer un futur où l’on retrouverait des programmes d’études en prostitution et où des enfants pourraient écrire des dissertations sur leur projet de devenir prostitué-es, après la visite d’une conférencière… Vision idéalisée de la prostitution Il n’y a pas de prostitution parfaitement sécuritaire. Même une maison close légale ne pourra jamais offrir la garantie qu’un client ne représentera pas un danger pour autrui une fois la porte d’une chambre refermée, ni que les personnes chargées d’assurer la sécurité dans l’établissement ne fermeront pas les yeux sur des actes violents ou dégradants. Le classique « Si t’es pas content(e), y’en a plein d’autres qui attendent de prendre ta place ! », tout comme les violations au code du travail, ne s’applique pas qu’au travail au salaire minimum. De plus, même si les personnes prostituées subissent des contrôles de santé réguliers contrairement aux clients (le but n’étant pas tant de protéger les premières que les seconds), un préservatif peut se rompre, l’herpès peut être transmis même avec un préservatif si ce dernier ne couvre pas toutes les lésions et le virus du VIH peut mettre jusqu’à 6 mois pour être détectable dans un échantillon sanguin. Un résultat négatif à un test de dépistage du VIH signifie simplement que la personne testée n’était pas porteuse du virus six mois auparavant. Certains acteurs et actrices porno contractent d’ailleurs le virus, malgré le recours régulier aux tests de dépistage, puisqu’ils ne cessent pas leurs activités, (qui se font généralement sans protection), entre 2 tests. Si le fait de reconnaître les drames personnels qui peuvent se cacher derrière la prostitution passe souvent pour du misérabilisme, voire de la caricature, en revanche on est beaucoup plus indulgent face à la vision idéalisée, presque romantique, de la prostitution, la prostitution féminine tout particulièrement. Le client y est souvent dépeint comme un pauvre diable inoffensif, qui n’a pas de succès avec les femmes, et la femme prostituée, une bienfaitrice qui pratique le métier par altruisme ou encore une passionnée de sexe qui joint l’utile à l’agréable. Nous avons encore une vision très mécanique de la sexualité, en particulier de la sexualité masculine, réduite à un besoin purement hygiénique au même titre que le fait d’uriner. C’est d’ailleurs dans cette optique que la personne prostituée est le plus souvent considérée non comme une personne mais comme une sorte d’objet servant à évacuer une tension sexuelle. Le sacrifice de la dignité de ces personnes traitées en citoyennes de seconde zone serait supposément nécessaire pour éviter à leurs clients d’agresser « d’honnêtes citoyennes » dans la rue ! On attend encore l’étude qui nous prouverait que l’augmentation de la prostitution va de pair avec une diminution des agressions sexuelles ! S’attaquer aux vraies causes de l’exploitation sexuelle On manifeste un sentiment de fatalité au sujet de la prostitution, et ce, même chez les personnes qui la considèrent comme un problème de société. On l’appelle « le plus vieux métier du monde », comme si cela pouvait justifier notre apathie. On ne retrouve pas le même fatalisme au sujet du racisme, du meurtre ou de la pédophilie, même si ces fléaux existent depuis encore plus longtemps que la prostitution. Tant que nous nous entêterons à séparer mentalement la « bonne » de la « mauvaise » prostitution pour nous donner bonne conscience, nous ne feront diminuer ni l’une ni l’autre, encore moins l’une au profit de l’autre car ce faisant on ne s’attaque pas aux causes de la prostitution, qui sont toujours les mêmes. Si l’on pense spontanément aux facteurs qui peuvent en favoriser l’émergence, comme la pauvreté, la toxicomanie, les problèmes de santé mentale ou la violence familiale, on doit aussi penser à la façon dont se construit et se renouvelle sans cesse depuis des millénaires un système à la fois politique et culturel, qui a réussi à convaincre tant de personnes que le fait de brandir une liasse de billets leur confère un droit de propriété sur le corps d’une autre personne. Ce système exploiteur/exploité-e est fait de tant de choses sur lesquelles il est possible d’agir. Des inégalités entre les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, les ethnies ou les castes. Du sexe-consommation qui confond épanouissement avec multiplication des relations, des partenaires, des positions ou des accessoires. Des carences affectives et des violences qui détruisent l’estime de soi. De la déresponsabilisation et de l’aveuglement volontaire. De l’indifférence devant la souffrance. De l’immaturité sexuelle qui rend l’intimité menaçante. Ce système est fait de la guerre et du mépris. De culte de l’argent et des signes extérieurs de prospérité. Du refus du don de soi. De la culture pornographique où l’autre est dépouillé de son humanité pour ne plus être qu’un instrument sans âme et jetable ne servant qu’à satisfaire un besoin de plaisir. Enfin, ce système est fait de l’hypocrisie qui fait de la prostitution un simple métier, voire un acte d’émancipation, tout en cautionnant le mépris de la personne prostituée. C’est tout ce système qu’il faut déconstruire. C’est tout ce système qu’il faut cesser de nourrir. Ce qu’il faut nourrir, c’est la lutte contre la pauvreté, le décrochage scolaire, l’itinérance et la marginalisation des autochtones. C’est la lutte pour un revenu minimum décent. C’est la lutte pour l’égalité des sexes. C’est l’éducation sexuelle et la prévention du VIH/SIDA, des autres ITS et des grossesses non désirées. C’est la prévention de la violence domestique, de l’inceste et des agressions sexuelles. C’est la sensibilisation contre le racisme et l’homophobie. C’est la dénonciation de l’exploitation des aides domestiques familiales, des sans-papiers et des « boat people ». C’est le combat pour la dignité humaine. Références Cet article a été initialement publié sur le site Cents Papiers. Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 juin 2011 |