| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






dimanche 2 octobre 2011

Lettre ouverte des Black Women’s Blueprint aux organisatrices de la "slutwalk" (marche des "salopes")






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Nos gouvernements doivent reconnaître les féminicides
À propos de l’impunité des artistes criminels, réflexions autour du cas de Roman Polanski en France
Quand les « besoins » sexuels des hommes, même très dangereux, sont plus importants que la dignité et la sécurité des femmes.
La Coalition féministe contre la violence envers les femmes (CFVF) rencontre l’ONU
Des hommes appuient #Etmaintenant
"Vous venez d’insulter une femme, votre bite va se désintégrer dans les trois jours"
#EtMaintenant, un geste de solidarité avec toutes les femmes harcelées ou agressées
Violences contre les femmes - Refuser la connivence et la léthargie masculines
Une culture d’agression
#NOUSTOUTES - Fait-on confiance aux femmes ?
Colloque "Patriarcat : prostitution, pédocriminalité et intégrismes"
La culture du viol est dévastatrice pour notre société et l’avenir de nos enfants
"Le sous-financement des maisons d’hébergement pour femmes : facteur aggravant de la marginalisation des femmes immigrantes au Québec", une étude de l’IRIS
La prostitution et la culture du viol sont indissociables
Le courage des femmes brisées
À Justin Trudeau - Pourriez-vous "bousculer les tabous" au Canada aussi ?
La solidarité avec les victimes d’agressions sexuelles est incompatible avec l’ambiguïté
Agressions sexuelles - Le consentement pour les Nuls
Violence sexuelle dans les universités : une culture à changer
URGENCE ! Les femmes et les filles victimes de violences sexuelles attendent toujours
Ghomeshi - Pourquoi retournent-elles auprès des agresseurs ?
Lettre à Jean - Nous, #OnVousCroit
Des musiciens super ne sont pas nécessairement des gens super
Agressions sexuelles - Invitation aux ministres qui souhaitent que les femmes dénoncent
Pour mes petites soeurs de Val-d’Or
Nous joignons notre voix à celle des femmes autochtones réclamant justice
Peut-on battre une femme en réunion impunément dans la République française ?
Colloque "Les émotions au coeur de nos interventions"
En première à Montréal : "Aftermath" d’Andrea Dworkin
Les agressions sexuelles... brisent des vies
Ni silence ni pardon : l’inceste, un viol institué - Interview de Melusine Vertelune
Nouvelle loi sur le viol en Californie : silence n’est pas consentement
Viol - La campagne "Stop au déni"
Le manifeste des mères survivantes
Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes : Message de Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU Femmes
Culture du viol dans la danse - Le Sacre du printemps
"Les crimes d’honneur : de l’indignation à l’action" - Pour la sécurité des femmes avant tout
L’affaire Guy Turcotte, un cas qui n’est pas unique
Les violences sexuelles sont un problème de société et de santé publique
Viol - Dans un party près de chez vous
Le viol de Steubenville - C’est de la masculinité qu’il s’agit
"One Billion Rising" - Danser contre la violence (masculine) ou riposter ?
Le mouvement masculiniste - dit "des droits des hommes" - ment à propos des femmes
Viol en Inde - La prostitution, gage de non-violence envers les femmes ?
Le viol a une fonction
France : Un mois, quatre familicides
« Et les hommes, eux ? » Propos sur la masculinité et les tueries de masse
Drame de Newtown - Pourquoi refusons-nous de parler de la violence et de la masculinité en Amérique ?
Les meurtres de Newtown - Dire l’indicible
De la misogynie au meurtre : une perspective féministe sur la fusillade du Connecticut
Nous n’avons plus les moyens du patriarcat et de sa violence
Violence - L’AFEAS lance sa campagne Opération Tendre la main (OTM)
La nuit et le danger (1979)
La rue la nuit, femmes sans peur
Le Southern Poverty Law Center désigne les masculinistes comme organisations haineuses
Un sauf-conduit pour violer
Affaire Shafia - Pour que la mort de Rona, Zainab, Sahar et Geeti ne soit pas vaine
Affaire Shafia - La conspiration du silence
Un guide pour soutenir l’aide professionnelle aux victimes de harcèlement sexuel au travail
Daniel Welzer-Lang et le masculinisme à Nancy
La violence contre les femmes : une pandémie mondiale
Mon action féministe : resituer le sexe dans le harcèlement sexuel et le viol
Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes et Polytechnique 1989
Violence conjugale - « Comment aider Marie ? »
Take Back our Walk - Ne laissons pas les industriels saloper notre lutte
"Slutwalk" - Au sujet des défilés de féministes-en-sous-vêtements
L’ "homme debout" (Nelly Arcan) - Inceste, honte et mépris
Pourquoi nous n’avons pas participé à la "Slutwalk" (marche des salopes) strasbourgeoise du 1er octobre 2011
Victime d’un pédophile - Je ne peux pas vivre avec ce que mon bourreau m’a fait
Verdict odieux pour viol et prostitution d’une adolescente de 14 ans à Carpentras
Verdict au procès de Guy Turcotte - Le risque réel de la normalisation de la violence au Québec
Attentats en Norvège - Le massacre des Innocents
Une femme inconsciente ne peut consentir à des relations sexuelles
En France, être maire, sénateur, membre d’un parti politique et condamné pour agressions sexuelles, c’est possible !
Cour suprême du Canada - Il n’y a pas consentement à une relation sexuelle lorsqu’une femme est inconsciente
"On est des salopes, pas des féministes !" Où ma relation avec la “Slutwalk” passe un mauvais quart d’heure
La "marche des salopes" ("slutwalk") n’est pas la libération sexuelle
Violence conjugale - Quand la prison devient une solution de rechange
Lorsque la prison devient une solution de rechange
M. P. acquitté des viols commis contre Anne, son employée
Le contrat sexuel - Contrat… ou trahison ?
Culpabilisation des victimes d’agression sexuelle et de violence conjugale
L’AVFT lance un appel à soutien pour une femme violée par son employeur
Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
La rue, la nuit, femmes sans peur ! Le 24 septembre 2010, faites du bruit !
Affaire Polanski - C’est bon, on a compris. Il n’y a rien de mal à abuser d’une fillette, pourvu qu’on soit un réalisateur célèbre
La mort tragique d’Aqsa Parvez - La face meurtrière de l’extrémisme islamique
L’AFEAS s’oppose à l’affaiblissement de la Loi sur le Registre des armes à feu
Le pape Benoît XVI a imposé le silence sur les crimes sexuels de prêtres et d’évêques
La Loi de la Nation, la première violence contre les femmes
FNAC - Violence machiste sous le sapin
Victime d’inceste et de la théorie du syndrome des faux souvenirs
Il y a 48 000 viols de femmes par an en France !
Les femmes victimes des conflits armés
Loubna Al Hussein, condamnée au Soudan pour port de pantalon
Affaire Polanski - Ne laissons pas banaliser le viol d’enfants
L’affaire du violeur Polanski - Refuser d’oublier
Femmes en danger
Le "dépit amoureux" selon Frédéric Mitterrand
Nous soutenons Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes
Tueries de masse au masculin, victimes au féminin
Au machisme bien-pensant, les Chiennes de garde montrent les dents !
Moi j’s’cap ! Réponse de la rappeuse au rappeur (Orelsan)
La photo de Cathy Gauthier - Voir la femme qui souffre
Les proches invité-es à dénoncer les cas de violence conjugale
Si ça tue, c’est surtout pas de l’amour
De nombreuses ressources pour les hommes au Québec et au Canada
Pourquoi des organisations nient-elles la responsabilité de l’islam dans les violences faites aux femmes ?
Taux de pauvreté et femmes autochtones assassinées - L’ONU demande au Canada de soumettre un rapport
France - La violence conjugale tue : 166 femmes au moins en 2007
Témoignage - Moi, la femme de personne
La violence faite aux femmes... C’EST ASSEZ !
Une minute de silence de trop ! Plutôt crier que faire silence !
Les femmes, la paix et la sécurité
Des violeurs dans les rangs de l’armée
Violence - Rassemblement suivi d’une marche de nuit non mixte à Paris
Réplique du Dr Michel Dubec aux critiques de son livre Le Plaisir de tuer
Une critique des pages sur le viol du livre "Le Plaisir de tuer"
Agressions sexuelles - L’importance d’apprendre aux filles à se défendre
Le Dr Michel Dubec impose la censure d’une critique de son livre "Le Plaisir de tuer"
Crimes d’honneur : une affaire de famille
Lettre de protestation contre les propos et l’attitude d’un chanteur
Déclaration de la Marche Mondiale des Femmes pour la Journée internationale contre les violences faites aux femmes
Tuerie de Virginia Tech - La célébrité au bout du fusil
Hommes, porno et prostitution - Dossier
Il faut criminaliser la propagande haineuse contre les femmes
Le refus de réglementer les jeux vidéos et ses conséquences
Jeux vidéo - Qui va faire feu le premier ?
Étude de l’Institut de la statistique du Québec sur la violence conjugale : le directeur répond aux critiques
La proposition de « loi-cadre contre les violences faites aux femmes » du CNDF (Collectif national pour les droits des femmes) est inacceptable
La violence serait-elle devenue un jeu de société ?
La violence domestique comme torture - Une guerre de basse intensité contre les femmes ? (1er de 3 articles)
La violence serait-elle devenue un jeu de société ?
Tuerie de Virginia Tech - La célébrité au bout du fusil
Crime et pacifisme
Le groupe Amnistie Internationale UQAM souligne la semaine internationale des femmes
Le Regroupement des CALACS refuse la décision du Barreau dans le dossier de Me Bureau
LE VIOL ou La vengeance au bout du phallus !...
Injustice pour une femme violée
Maya et le viol sacré
Agressée sexuellement, trouve-t-on de l’aide ?
Quand le droit des femmes de dire NON sera-t-il inviolable ?
Pourquoi tous contre une ?
Viol collectif ou profilage racial ?
"Écorchées", un roman déchirant sur les femmes en prison
Les effets psychodynamiques de la violence (2e de 3 articles)
Grandir dans la proximité de la violence : des adolescent-es racontent la violence familiale
Logiques sociales de la violence domestique et de la torture (dernier de 3 articles)
Si Amnesty international savait parler aux hommes
Propos méprisants et haineux envers des femmes au bar "Chez son père", à Québec
La Fondation Scelles s’inscrit désormais dans une dimension européenne
Refuges pour femmes violentées 2003-2004
Anniversaire de Columbine : quelles leçons en a-t-on tirées ?
L’AVFT en campagne contre la loi sur le délit de dénonciation calomnieuse
Viol-Secours : un quart de siècle au service des femmes
Violences conjugales : le chiffres en Europe
Pourquoi on a défiguré le mot "victime"
Affaire Cloutier : les préjugés qui restent
Essai d’explication de la violence masculine à l’égard des femmes
Sida, la dernière violence faite aux femmes
Contre la violence, Opération Tendre la main
Violence sexuelle et conjugalité
La Journée internationale d’action contre la violence faite aux femmes
Vagins bulldozés
Violences - Les femmes pour cibles
Violences mâles
Les politiques du ministère de l’Education nationale en France concernant les violences sexuelles et sexistes - 1995-2003
Les mots du viol
Un tribunal reconnaît aux femmes le droit à s’organiser entre elles
Il n’est pas suffisant pour nous, en tant qu’hommes, de ne pas être violents
Non à toutes les violences contre les femmes - ONU et AI
Le machisme tue tous les jours
L’homicide conjugal au féminin, le droit au masculin
Une fillette de 12 ans jugée responsable de son viol
les meurtriers
Viol d’enfant : des tribunaux sous influence
Lettre ouverte aux député-es de l’Assemblée nationale du Québec
Conjoints agresseurs et stratégie masculiniste de victimisation
Face aux conjoints agresseurs… La danse avec l’ours
Limites et risques de l’intervention psychologisante auprès des batteurs de femmes
Conjoints agresseurs et victimisation- témoignages







Nous, soussignées, femmes d’ascendance africaine et d’obédience non-violente, militantes, chercheuses, dirigeantes de diverses organisations ou courants de pensée voulons nous adresser à la SlutWalk (Marche des salopes). D’abord, nous félicitons les organisatrices de leur mobilisation audacieuse et large pour mettre fin à la honte et aux reproches que subissent les victimes d’agressions et de violence sexuelles. Nous sommes fières de vivre aujourd’hui à une époque où les filles et les garçons ont l’occasion d’assister à des actes de résistance extraordinaires contre l’oppression des femmes et de pouvoir contester les mythes qui entretiennent, partout, la culture du viol.

Les propos du policier de Toronto qui ont déclenché l’organisation de la première SlutWalk ont servi à banaliser, omettre et nier l’expérience permanente de l’exploitation sexuelle, des agressions et de l’oppression vécue par les femmes. Ils constituent une attaque contre notre conscience collective. Nier un viol, ou d’autres violences à l’encontre du corps d’une femme, en invoquant sa façon de s’habiller, son comportement au travail, sa toxicomanie, sa classe, et, lorsque son corps est noir ou bronzé, sa race, nous amène à réaffirmer clairement qu’aucune femme ne mérite d’être violée.

Ce que nous questionnons

Nous sommes profondément inquiètes. En tant que femmes et filles noires nous ne trouvons aucun espace dans la SlutWalk. Aucun espace sans équivoque pour dénoncer les viols et les agressions sexuelles tels que nous les avons, nous, expérimentés. Nous sommes perplexes face à l’utilisation du terme « salope » (Slut) et des implications de ce mot, un peu comme si on affirmait que nous devrions nous réapproprier le mot « pétasse » ou « négro ». La manière dont nous sommes perçues et ce qui nous arrive, avant, pendant et après une agression sexuelle dépasse largement notre façon de nous habiller. Cela est fortement lié à notre histoire particulière. Aux États-Unis, c’est l’esclavage et Jim Crow (enlèvements, viols, lynchages et fausses représentations de genre) combinés, plus récemment, la lutte des femmes Noires migrantes, qui ont façonné nos sexualités féminines noires : le mot « salope » fait écho à des réalités différentes pour les femmes noires. Nous ne nous reconnaissons pas, ni ne voyons nos expériences reflétées dans SlutWalk et, surtout pas, dans son intitulé et son label.

En tant que femmes noires, nous n’avons pas le privilège ou l’espace de nous appeler « salopes » sans valider l’idéologie déjà historiquement enracinée et les discours récurrents sur le « Quoi ? » et le « Qui ? » est la femme noire. Nous n’avons pas le privilège de jouer sur les représentations destructrices, gravées pour des générations dans la conscience collective, sur nos corps et dans nos âmes. Bien que nous comprenions l’élan positif derrière l’utilisation du mot « salope », comme expression choquante permettant de visibiliser un mouvement anti-viol, nous sommes gravement préoccupées. Pour nous, la banalisation du viol et l’absence de justice sont vicieusement entremêlées avec le discours consistant à contrôler nos sexualités et à denier notre humanité et donc notre droit légitime à recourir à la justice. Cela est lié à l’idéologie institutionnalisée qui fait de nos corps des objets sexuels, des propriétés, ou encore des spectacles de la sexualité et du désir sexuel déviant. C’est lié à l’idée courante que nos corps, qu’ils soient vêtus ou dévêtus, ne peuvent être violés, que ce soit sur le marché aux esclaves, dans les champs ou sur les écrans de télévision. L’acceptation de spéculations « intellectuelles » permanentes consistant à se demander « ce que la femme noire veut », « ce dont elle a besoin » et « ce qu’elle mérite » a depuis longtemps permis de franchir largement les limites des hypothèses relevant de sa façon de s’habiller.

Nous savons que la SlutWalk est un appel à l’action et nous vous avons entendu. Pourtant, nous hésitons à prendre la décision de répondre à cet appel car, cela signifie se joindre à quelque chose, ou à soutenir quelque chose, dont même le nom illustre la manière dont les mouvements de femmes « ordinaires » (= « blanches », ndlt) ont, à plusieurs reprises dans l’histoire, déjà exclu les femmes noires, même dans des espaces où notre participation devrait être centrale. Nous nous demandons encore Comment ?, Pourquoi ? et Quand ?, au point de vous interpeller sur le point de blocage qui fait que ce mouvement, pourtant basé aux États-Unis, n’a pas inclu substantiellement des représentantes des femmes noires pour dénoncer la culture du viol, dans la préparation de la SlutWalk ?

Les femmes noires ont travaillé sans relâche depuis les clubs de femmes de couleur du 19ème siècle, pour débarrasser la société des expressions sexistes et racistes courantes comme « salope », « chienne », « chaudasse », « mama », « noiraude », « bois d’ébène » mais aussi, pour construire nos propres identités et représentations, par et pour nous-mêmes, afin de redéfinir ce à quoi les femmes comme nous ressemblent. Bien que nous soutenons avec force le droit d’une femme à porter ce qu’elle veut, quand elle veut et où elle veut, dans le cadre d’une SlutWalk nous n’avons pas le privilège de pouvoir marcher dans les rues de New York, Détroit, Washington, Atlanta, Chicago, Miami, L.A. etc... En effet, nous ne pouvons marcher, que ce soit couvertes ou court-vêtues, en nous appelant « salopes » et penser que cela va renforcer la sécurité des femmes de, et dans, nos communautés. Que ce soit dans une heure, dans un mois ou dans un an.

De plus, nous souhaitons veiller à ne pas créer de la confusion pour nos filles en leur faisant croire que nous pouvons nous revendiquer comme « salope » alors que nous sommes encore en train de combattre le mot « pétasse », qui découlent du mot « pute » ou « putain », ou encore le mot « chienne », qui avait pour but de nous déshumaniser. Enfin, nous ne voulons pas encourager nos jeunes noirs, nos pères, nos fils et nos frères à « saloper » l’identité des femmes noires, en banalisant ce terme, l’arborant sur des T-shirts, des macarons, des dépliants et des brochures.

Le privé est politique. Pour nous, le problème de la banalisation du viol et l’absence de justice sont étroitement liés à la race, au sexe, à la sexualité, à la pauvreté, à l’immigration et à la communauté. En tant que femmes noires en Amérique, nous devons faire attention à ne pas oublier cela afin d’éviter une identification qui pourrait nous perdre plutôt que nous libérer. Ce n’est qu’un mot mais nous ne pouvons pas nous permettre de nous en étiqueter : nous ne pouvons revendiquer la rhétorique déshumanisante utilisée contre nous, et ce, dans quelque mouvement que ce soit. C’est en apprenant des grands mouvements comme le mouvement des droits civiques, celui pour le droit de vote des femmes, du nationalisme noir et des mouvements black feminists que nous pourrons construire véritablement le changement, sans utiliser des mots archaïques qui, dès l’origine, n’ont jamais été nôtres, mais qui se sont imposés à nous à travers un processus de déshumanisation et de dévaluation.

Ce que nous demandons

Sœurs de Toronto, le viol et l’agression sexuelle est une arme radicale de l’oppression, et nous pensons également qu’il faut des individus radicaux et des stratégies radicales pour les stopper. Dans cet esprit, et parce qu’il y a énormément de travail à faire et un grand potentiel pour le faire ensemble, nous demandons à ce que la SlutWalk soit encore plus radicale et rompe avec ce qui a été historiquement l’effacement des femmes noires et de leurs besoins particuliers, de leurs luttes particulières ainsi que de leur potentiel spécifique ou leurs contributions aux mouvements féministes et à tous les autres mouvements.

Aux États-Unis, les femmes sont racialement et ethniquement diverses. Chaque choix tactique pour gagner des droits civils et humains ne doit pas simplement susciter une « consultation » des femmes de couleur, il doit être discuté avec, au centre de nos préoccupations, toutes les expériences collectives et communautaires tant pour le lancement, le développement que le maintien du mouvement.

Nous demandons que la SlutWalk prenne des mesures radicales pour prendre conscience de l’histoire des gens de couleur et qu’elle intègre des femmes de couleur de façon à respecter notre culture, notre langage et notre position particulière.

Nous demandons que la SlutWalk envisage de s’engager dans un processus de re-formulation de son nom et nous croyons que, vue la popularité actuelle de la Marche, ses milliers de partisanes n’abandonneront pas le mouvement juste parce qu’il a changé de « label ».

Nous demandons que les organisatrices de la SlutWalk prennent également d’autres mesures pour mettre fin à la banalisation du viol à tous les niveaux de la société. Il faut trouver les moyens de mettre fin à l’utilisation du mot « viol » comme s’il s’agissait d’une métaphore, de même qu’à l’utilisation d’un langage destiné à déshumaniser et à dévaluer, un langage créé pour perpétuer les structures racistes et sexistes.

Dans l’idée de construire un mouvement révolutionnaire pour mettre fin aux agressions sexuelles, aux mythes sur le viol et à la culture du viol, nous demandons que la SlutWalk se développe à travers une authenticité et une solidarité véritables afin d’organiser des marches et des mobilisations dépassant la SlutWalk. Il est nécessaire de développer une approche plus critique, de réaliser un plan plus stratégique pour faire tenir un mouvement sur le long terme. Celui-ci devra rassembler des femmes qui exigent le respect de l’intégrité physique de tous les êtres humains dans tous les pays, toutes les communautés, toutes les familles afin de faire retentir un NON collectif face à la violence faite aux femmes.

Nous serions heureuses de nous réunir avec les organisatrices de la SlutWalk pour discuter de son potentiel intrinsèque, visible à travers son développement mondial et le grand nombre de participant-e-s qu’elle a rassemblés avec dynamisme. Nous serions heureuses de pouvoir engager un échange critique avec les organisatrices de la SlutWalk quant aux stratégies à mettre en œuvre pour être à la hauteur des responsabilités qu’exige la participation de milliers de femmes et d’hommes, au Brésil, à New Delhi, en Corée du Sud et ailleurs. Car ces marcheurs et marcheuses, ces manifestant-e-s qui sont rentré-e-s chez eux/elles et dans leurs communautés pour vivre leur vie continuent à avoir besoin de sécurité et de revenus. Nous serions heureuses de discuter du travail à venir et de la façon dont il peut être fait en collaboration avec des groupes différents à travers les frontières, pour mettre fin aux violences sexuelles au-delà des marches.

En tant que femmes de couleur situées à l’intersection de la race, du sexe, de la sexualité, de la classe et de plus, nous allons continuer à travailler sans relâche dans la lutte pour démanteler les systèmes d’oppression dont les inacceptables objectifs entravent notre vie quotidienne. Nous allons continuer à lutter pour le développement des politiques et des initiatives qui donnent la priorité à la prévention primaire des agressions sexuelles, respectant les femmes et les droits individuels, et respectant également les médiations et les libertés tout en tenant les responsables comme des délinquants. Nous réclamerons systématiquement justice que ce soit en s’appuyant sur le droit gouvernemental ou sur le droit communautaire, ou encore à travers des stratégies internes aux communautés de celles qui ont été agressées, et nous continuerons à nous organiser pour mettre fin aux violences sexuelles exercées sur des personnes de tous horizons, de tous sexes, toutes sexualités, toutes races, toutes origines ethniques, de toutes histoires.

Le 28 septembre 2011

Traduction : Sarah Ben

Source de la traduction : Blogue Lezstrasbourg.

Version originale, incluant les signatures.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 septembre 2011



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Plan-Liens Forum

  • Lettre ouverte des Black Women’s Blueprint aux organisatrices de la "slutwalk" (marche des "salopes")
    (1/1) 1er octobre 2011 , par





  • Lettre ouverte des Black Women’s Blueprint aux organisatrices de la "slutwalk" (marche des "salopes")
    1er octobre 2011 , par   [retour au début des forums]

    Pour info :

    L’étymologie du mot "pétasse" vient du verbe "putassier", qui est l’action d’avoir du plaisir sexuel dans le cadre du mariage légitime ; ce péché s’appelle la puterie.

    Voilà l’origine des mots "putain" et "pétasse".

    Le radical "puta" ayant été inventé pour traduire la bible du grecque en latin... pour reprendre le terme pornoia dans la septante.


        Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

    © SISYPHE 2002-2011
    http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin