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lundi 13 février 2012

Kiosque arabe - Voix féminines avant l’extinction

par Ahmed Halli, journaliste






Écrits d'Élaine Audet



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Avez-vous remarqué la soudaine disparition des femmes de ce paradoxal printemps arabe depuis qu’il a tourné au vert, la couleur de la victoire islamiste ?

C’est à croire que le scénariste n’a prévu pour elles que les larmes, la douleur et les chants funèbres du dernier quart d’heure des despotes. Elles étaient pourtant très comme il faut sur les images des télévisions occidentales et conformes aux canons en vigueur concernant le port vestimentaire.

On ne voyait que hidjabs, djilbabs et niqabs chez l’écrasante majorité des manifestantes filmées méthodiquement par les caméras occidentales et arabes. On sentait qu’il y avait de la manipulation dans l’air, mais dans l’euphorie ambiante annonciatrice de la chute des chefs, on ne s’y est pas arrêté. On se consolait en se disant qu’avec ou sans hidjabs, les femmes avaient au moins leurs mots à dire, et ces mots exprimaient partout la même soif de liberté.

Sur les banderoles brandies à la face des dictateurs, on aurait aimé lire « à bas la tyrannie masculine », mais il fallait s’armer de patience, l’usine à fabriquer des échéances différées.

La liberté, ce mot féminin mis au cloître par les tyranneaux arabes, est restée dans sa cellule à Tripoli. Du haut de la mâle tribune où il célébrait la fin de Kadhafi, Mustapha Abdeldjalil s’est empressé d’asséner le premier coup : la polygamie interdite en Libye sera rétablie. « Exultez femmes de Libye, et d’ailleurs, vous avez partagé notre combat, vous aurez désormais le droit de nous partager ! »

Au Maroc, les islamistes ont allégrement piétiné leur propre règle qui veut qu’il faille deux voix de femmes pour égaler celle d’un homme, en l’occurrence on aurait dû avoir deux fois plus de femmes ministres que d’hommes. Alors que dans les gouvernements précédents, on a compté jusqu’à huit femmes ministres que la Constitution de 2011 préconise la parité, il y a une seule dans le gouvernement Benkirane. Et avec des attributions aussi peu exaltantes qu’insignifiantes, comme la solidarité, la famille, etc. On pourrait y ajouter l’élargissement de la cellule familiale, l’égalité au harem, que ça ne choquerait personne, et c’est déjà au programme.

Et la Tunisie ? Ah la Tunisie ! On nous disait que la Tunisie avait des acquis irréversibles (expression bien connue chez nous) en matière de droits de la femme. On nous serinait encore que la société civile tunisienne était bien structurée et combative et qu’elle ne permettrait pas un retour vers la dictature. On n’ose prononcer les mots de « khalifat », de « république islamique », de « Charia », pourtant inscrits en toutes lettres dans les programmes islamistes. Qu’importe après tout si les militants du parti Ennahdha au pouvoir et leurs groupes de choc salafistes travaillent chaque jour un peu plus à restreindre l’expression féminine.

Ce n’est pas dramatique non plus si, dans un accès d’enthousiasme, des militants de Ghannouchi ont crié des slogans antijuifs pour faire plaisir au représentant du Hamas originel, le Palestinien Ismaïl Hanyeh(1). Après tout, Ghannouchi lui-même s’est excusé pour ce dérapage indépendant de sa volonté, mais il faudra voir…

A suivre l’actualité arabe de ces derniers jours, on s’aperçoit que les femmes ne sont présentes que lorsqu’on a besoin d’elles contre les tirs à balles réelles et pour les caméras de télévision. Dès qu’il s’agit de cueillir les lauriers, de partager les fruits de la victoire, elles disparaissent du cadre tout entier accaparé par la masculine engeance.

On parle d’elles en Syrie (2) parce que certaines de ces dames, comme Souheil Ataasi ou Razan Zaitounah, incarnent l’engagement et le courage face à la répression du régime. Gageons qu’on n’entendra plus parler d’elles, sauf comme détenues ou exilées, une fois que la « révolution » syrienne aura porté au pouvoir les islamistes, conformément au programme établi. Alors, parlons de celles qui luttent au présent, en espérant qu’elles feront chuter la dictature politique et reculer la suprématie masculine.

Samedi dernier, le quotidien londonien Al-Hayat a publié une lettre ouverte aux autorités religieuses d’Arabie saoudite, signée par la poétesse et écrivaine saoudienne Zyanab Ghassab. Cette dernière s’insurge contre les imprécations qu’un théologien saoudien lance sur une chaîne satellitaire contre les intellectuels du royaume qui ne sont pas aux normes wahhabites. Zaynab Ghassab, qui a déjà alerté les autorités sur les risques d’un exil massif des intellectuels saoudiens vers l’étranger, accuse ce théologien inquisiteur et ses semblables de déformer l’image de l’Islam. « Alors qu’à l’époque de l’islam des lumières, des chrétiens abandonnaient leurs propres écritures pour s’intéresser aux livres de l’Islam, ces théologiens œuvrent à détourner les musulmans de leur propre religion », écrit-elle.

La poétesse va plus loin en dénonçant, dans une interview à Elaph, la mainmise masculine sur la religion. Elle évoque notamment les multiples fatwas qui autorisent les mariages contractés en secret, à l’encontre des règles de l’islam, et qui sont en fait une forme de prostitution. « Cette culture masculine est encore dominante dans les sociétés du Golfe, mais elle est de plus en plus remise en cause », affirme l’écrivaine qui fustige ceux qui pratiquent un islam ostentatoire. « Malheureusement, ajoute-telle, ceux qui pensent qu’il suffit de se raser les sourcils et de se laisser pousser la barbe, pour parler au nom de l’islam, trouvent encore des oreilles attentives et des exécutants dociles. » Du Golfe à l’Atlantique, assurément !

Notes

1. Lire à ce propos l’émouvante tribune publiée par l’écrivaine tunisienne Hélé Béji dans le quotidien Le Monde du 19 janvier 2012, et intitulée : « Tunisiens ne trahissez pas les nobles idéaux de votre révolution ! ».
2. Certains lecteurs amis m’ont fait le reproche d’avoir été un peu vite en louanges la semaine dernière vis-à-vis de Malek Anouar, qui a refusé de faire partie de la lie des observateurs. Ce monsieur aurait des sympathies, voire des accointances avec des courants islamistes aussi peu recommandables que ceux qu’il fustige sur son blog. Je ne dispose pas d’informations là-dessus, mais je peux rassurer mes amis : je ne suis pas près de tourner casaque ou de me précipiter au marché pour faire l’acquisition d’une gandoura et d’un chapelet.

 Source : Ahmed Halli, Le Soir d’Algérie, le 23 janvier 2012.

Autres articles de cet auteur sur Sisyphe :

  • Visez le bas, messieurs les maris
  • Arabie saoudite - L’écrivaine contestataire Wajiha Al-Howeidar remet les hommes à leur place

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 février 2012.



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  • Ahmed Halli, journaliste

    L’auteur a une formation bilingue (arabe, français). Il a exercé diverses responsabilités dans des médias algériens et collaboré à des radios comme RFI et RTL. Il vit actuellement entre Paris et Alger.



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