| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






mercredi 27 juin 2012

À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)

par Ana Pak, féministe laïque






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Libérez l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh !
Anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza - Rana Plaza est partout !
Un génocide méconnu : 50 millions de femmes disparues en Inde
Brisons le stéréotype de la femme musulmane au Québec
Mossoul. L’heure des règlements de comptes
Argentine - Mourir parce que l’on est une femme : la triste réalité du féminicide, fléau qui endeuille le pays
Des Palestiniennes créent une banque de semences pour préserver leur héritage agricole
Misère, domination masculine et oppression : les réfugiées syriennes dans la tourmente
Toute notre solidarité avec les femmes et le peuple kurde - Appel à l’action
Pays arabes - La Dre Alyaa Gad enseigne la santé et la sexualité à une chaîne télé sur Youtube
Appel des femmes kurdes - La mentalité patriarcale de la complicité AKP-DAESH : figure la plus atroce du féminicide
Inde - Les Femmes en Noir, solidaires de la résistance collective à la guerre contre le corps des femmes
L’avortement sexo-sélectif au sein de la communauté indo-espagnole
Femmes, islam et autres ennuis
Les femmes de Turquie partent en guerre contre l’oppression
Teesta Setalvad, l’âme de la lutte pour la laïcité en Inde
Un viol, un assassinat de trop !
Brésil - “Clandestinas”, un documentaire qui brise le silence sur l’avortement clandestin
Bahreïn : des experts de l’ONU appellent à cesser la répression contre les militantes des droits de l’homme
Les femmes et la mission indienne Mars : une photo qui dit plus que 1000 mots
Les évangéliques brésiliens à l’assaut de la sexualité
La Brigade rose, des femmes indiennes combattantes
52 personnalités féminines du monde réclament un TPI en République Démocratique du Congo
Brève histoire du mouvement féministe tunisien
L’ONU minimise les mutilations sexuelles féminines et maintient le tabou du rôle des religions
Le gouverneur de l’État de New York dépose une « Charte des droits » des femmes pour combattre la discrimination à leur égard
Démocratie sans État laïque ? Le "hold up" des printemps arabes
Acquittement de Pinar Selek annulé - Une décision jamais vue dans l’histoire mondiale du Droit
Honneur aux dissidents anti-fondamentalistes, Chevalier de la Barre d’aujourd’hui
Bosnie - Est-ce justice de ne pas tenir compte du viol en temps de guerre ?
Obama, Madonna et nous
Histoires minuscules des révolutions arabes - Rencontre à Lyon le 19 octobre 2012
Le retour des religions, synonyme du retour du bâton contre les femmes !
Le voile islamique, "symbole culturel" aux Jeux olympiques de Londres
Caroline Fourest paie-t-elle le prix du féminisme ou de sa lutte contre les intégrismes religieux ?
La Commission de la Condition de la femme de l’ONU recule devant les pays qui invoquent les traditions culturelles pour bafouer les droits des femmes
Ana Pak, féministe iranienne en exil : "S’unir dans la classe des femmes"
Pourquoi la question de la Palestine est un enjeu féministe
Le film "Circumstance - En secret" soutient les valeurs masculines
Le piège et l’impasse du féminisme islamique
Le féminisme n’est plus le mouvement révolutionnaire qu’il a été
Sisyphe.org aura 10 ans en 2012 : des changements en cours
Il bat deux femmes ou abat la dignité de toutes les femmes ?
Mettons fin au massacre des femmes – Mettons fin à la lapidation !
Au nom de la démocratie, ce que les laïques et les femmes ont à perdre en Tunisie
Polygamie et charia en Libye - Les femmes se révoltent contre la décision du CNT et s’adressent à l’ONU
Le rôle des femmes dans la contestation sociale en Israël
Affaire Shafia : "crime d’honneur" ou accident ? La Presse
L’intégrisme orthodoxe et la Serbie
Une éducation algérienne : de la révolution à la décennie noire - Conférence de Wassyla Tamzali à Lyon le 30 septembre
Les femmes qui débarrassent le Liban des bombes à fragmentation
Poste de contrôle israélien sur la route de la maternité : lieu de naissance ou de décès ?
Femmes courageuses - Les prix ne vont pas toujours à celles et ceux qui le méritent !
Le féminisme polonais n’est plus ridiculisé
La mobilisation d’un village palestinien force les autorités à amender les lois sur les crimes dits d’honneur
Marie-Andrée Bertrand - Développer, nourrir et enseigner la pensée critique dans une démarche créative
Libérez toutes les prisonnières politiques des prisons israéliennes
Donner aux femmes les moyens de se protéger contre les violences sexuelles lors de conflits armés
Haïti - État de la situation des femmes : pré et post-séisme 2010
Brésil - Les luttes des femmes pour l’égalité et la justice
La démocratie et l’égalité entre les femmes et les hommes
Italie - Mauvais jour pour le sultan Berlusconi : des millions de femmes réclament sa démission
Islam et intégrisme - La liberté de pensée a disparu sous le tapis de prière
Une Irano-Néerlandaise pendue en Iran
Le « viol correctif » en Afrique du Sud
Sud-Soudan - Les femmes ont juré qu’elles ne resteront pas des citoyennes de seconde classe
Que gagneront les Tunisiennes à la révolution dans leur pays ?
Prostitution, point de rencontre entre l’exploitation sexuelle et exploitation économique
La femme grillagée - Chanson
Haïti - La vie après le séisme
La lapidation, forme ultime du contrôle des femmes
Tunisiennes et citoyennes par-dessus tout
L’Iran élu membre de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies
Algérie - Le lynchage des femmes de Hassi Messaoud se poursuit
J’ai mal à mon Algérie pour le sort qu’elle réserve à ses femmes
Hassi Messaoud - Halte à la “fatalité” de la terreur à l’encontre des femmes algériennes ! Quoi faire tout de suite
Le voile, symbole de l’instrumentalisation des droits des femmes pour un projet totalitaire
Trois mousquetaires au féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Matilda Joslyn Gage
Amnesty et les intégristes : une vieille histoire, l’exemple de l’Algérie
Lettre ouverte au Secrétaire général des Nations Unies concernant la scandaleuse situation lors de la 54ème Commission de la condition de la femme !
Islamisme - Rayhana et les autres
Tuées et lapidées partout dans le monde, les femmes sonnent la révolte
Une femme en colère. Lettre d’Alger aux Européens désabusés
Commémoration des massacres d’Algériens et d’Algériennes le 17 octobre 1961
Arabie saoudite - L’écrivaine contestataire Wajiha Al-Howeidar remet les hommes à leur place
Arabie saoudite - Appel contre le mariage d’une fillette de 10 ans
Appel au soutien contre la mise en place de la charia en France
Egypte - Obama et la prison des identités religieuses
Obama au Caire : une gifle aux femmes qui se battent contre le voile islamique
Un tribunal d’Arabie saoudite condamne une veuve de 75 ans au fouet et à la prison pour "crime de mixité"
Misogynie et géopolitique
Les femmes exigent un nouvel ordre mondial
MGF-excision : une banalisation de la santé des Africaines au Québec ?
Menaces de mort par un groupe de "talibans" contre des fillettes scolarisées au Pakistan
Participation des femmes libanaises à la vie politique : cinq raisons en faveur d’un quota
Shahrzad New, en anglais et en farsi
Une fillette de huit ans séparée de son mari doit craindre pour sa vie
Les femmes chinoises, les oubliées de la modernisation
Les femmes d’Okinawa aux militaires américains : "Cessez de nous violer et retournez chez vous."
7 avril, Journée mondiale contre les crimes d’honneur
Deux décennies de manifestations et d’espoir pour les Femmes en Noir
Quelle a été la situation des femmes en 2007 ?
Attaques à la bombe en Algérie - Appel de citoyens algériens aux organisations citoyennes, aux partis et aux syndicats progressistes
Qu’est-ce que la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies ?
Crime d’honneur en Syrie : le gouvernement doit sauver la vie d’une jeune femme ou se faire complice d’un assassin
Le Réseau international de solidarité avec les femmes iraniennes appelle à l’aide
L’Agenda des femmes 2008 - La parole aux filles de 9 à 12 ans
Bhawani Rana, une femme qui se bat pour d’autres
Le pouvoir politique de l’amitié
L’ONU, alliée des femmes ?
De partout des femmes interpellent l’humanité
L’UNICEF demande un meilleur accès à la santé et à l’éducation pour les femmes afghanes
Un héritage scandaleux de l’ONU au Timor
Hidjab, soccer et manipulation
L’application de la charia en France
Une juge allemande s’inspire du Coran pour excuser un mari violent
Père et fils condamnés pour avoir battu une jeune femme au nom de traditions religieuses
Vandalisme chez une dirigeante musulmane canadienne qui critique le port du voile
Un père désespéré appelle à sauver la vie de sa fille
Le mariage forcé tue !
« Nous rejetons la mondialisation néo-libérale et patriarcale »
Au Brésil, 2000 femmes détruisent des pépinières d’eucalyptus et un laboratoire de recherche
Égalité ! Égalité ! Égalité ! ...
Le programme du Hamas : la Charia et la haine des femmes !
Le « féminicide » dans les républiques « maquiladoras »
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU blâme sévèrement le Canada pour le traitement infligé aux femmes autochtones et aux détenues
Le message des femmes de la République de Guinée
La libération des femmes n’est pas un luxe réservé aux pays riches
Aung San Suu Kyi, 60 ans, toujours assignée à résidence
"Les femmes ne doivent rien, c’est à elles que l’on doit"
Le passé n’est pas un pays étranger
Ce code algérien de la famille vieux de 20 ans, ça suffit !
Assassinat d’une dirigeante syndicale en Colombie
La colère des femmes contre le viol dans le nord-est de l’Inde
La police du Soudan reçoit une formation sur l’aide aux victimes de violences sexuelles
Appel à la solidarité internationale pour le peuple haïtien
Des groupes de femmes demandent la démission de Miriam Tey, directrice de l’Institut de la Femme en Espagne
La directrice de l’Institut de la Femme édite un livre qui fait l’apologie du viol des femmes et des petites filles
En Iran, un texte de loi sur les droits des femmes soulève un tollé







Ana Pak - Comment et à quel moment as-tu été sensibilisée à cette lutte : l’exclusion des femmes du monde du sport ou le fait d’imposer leur présence voilées ?

Annie Sugier - D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été révoltée par le simple fait de savoir qu’il existait des pays où les femmes étaient voilées. La première fois que j’en ai vues j’ai été littéralement choquée : c’était à Londres il y a bien longtemps. Mais c’est en 1979, avec l’arrivée au pouvoir en Iran de Khomeiny, que l’évidence s’est imposée : ce « morceau de tissu » n’était plus une sorte de résidu de l’histoire, mais bien le symbole de l’islam politique en pleine expansion et de la régression du droit des femmes. Je ne m’attendais pourtant pas à ce que, dans un pays laïc comme la France, on assiste à une épidémie de voiles islamiques ni surtout, comme ce fut le cas lors des différentes « affaires de voile », à ce que le mouvement féministe puisse se déchirer sur un tel sujet !

S’agissant du port du voile dans le sport, ma prise de conscience est venue bien plus tardivement, car ce n’est qu’en 1996 à Atlanta qu’est apparue la première femme voilée, porte drapeau (tout un symbole !) de la délégation du régime islamique d’Iran à Atlanta.

Pourquoi Les Femmes courent-elles moins vite que les Noirs ? Peux-tu nous parler de ton livre, quelle est l’origine de sa création, et quels obstacles as-tu rencontrés ?

A. S. - Ce que je veux dire par cette formule c’est que la lutte contre le racisme a toujours une longueur d’avance sur la lutte contre le sexisme. Je donne d’ailleurs de multiples exemples dans le livre : en France, les révolutionnaires au moment même où ils décrètent l’abolition de l’esclavage (qui sera rétabli par Napoléon) refusent aux femmes les droits civiques ; aux États-Unis, au lendemain de la guerre de Sécession, le droit de vote est accordé aux hommes noirs mais pas aux femmes, quelle que soit leur couleur de peau ! Elles devront attendre cinquante ans… Encore aujourd’hui, l’Église catholique a ordonné des prêtres noirs, asiatiques, indiens, etc. mais toujours pas de femmes. L’idée de traiter de ce sujet à travers l’exemple des Jeux olympiques m’est venue par hasard, en regardant les JO de Barcelone en 1992 et en entendant la presse se réjouir du retour de la délégation d’Afrique du Sud enfin mixte – Noirs et Blancs - exclue pendant trente ans pour cause d’apartheid racial. Or, au même moment personne ne remarquait qu’il y avait trente-cinq délégations sans femmes ! Ma première idée à été d’agir contre cet aveuglement. L’idée du livre est venue bien plus tard : pour marquer les vingt ans de notre combat. Pour expliquer ce que certains ne veulent ni entendre ni comprendre. Pratiquement tous les éditeurs ont refusé la simple idée d’un tel livre : cela n’intéresserait personne, ce n’était pas un sujet suffisamment important pour mériter qu’on en fasse un livre…

Pourquoi la lutte contre l’apartheid raciste était-elle plus facile à soutenir aux Jeux olympiques que la lutte contre l’apartheid sexiste ?

A. S. - La lutte contre l’apartheid n’a pas été facile, loin de là. Il a fallu la révolte d’un peuple, la solidarité des pays africains nouvellement indépendants, des années de prison pour celui qui allait devenir le grand Mandela, des conférences, des résolutions des Nations Unies, des pressions de tous ordres à l’encontre du régime de Pretoria, des tensions internationales majeures. Or, justement, rien de cela ne peut accompagner la dénonciation de la ségrégation sexuelle. C’est comme si le statut des femmes était une simple affaire interne privée, propre à un État, et dont la communauté internationale n’ose pas s’occuper. D’ailleurs, la réaction du CIO confrontée à nos critiques sera très révélatrice. Sous la plume de Fékrou Kidane, le bras droit du président du CIO il écrira dans la Tribune de mars 1995 que « oser comparer l’apartheid pratiqué en Afrique du Sud à la situation des femmes dans le sport, c’est insulter Mandela et le peuple noir dans son ensemble ». Une façon de faire croire que nous ne parlions que du sport.

Quelles sont la particularité et la difficulté de la lutte pour abolir l’apartheid sexiste ?

A. S. - C’est d’abord qu’il est légitimé par une religion. Les femmes sont sans doute le seul groupe opprimé dont le statut d’infériorité trouve sa justification dans les paroles supposées de Dieu. Les trois religions monothéistes affirment en effet la hiérarchie homme/femme découlant du fait que l’homme aurait été créé en premier. Dès lors, à chaque poussée de fièvre religieuse, les femmes se trouvent en difficulté. Surtout quand il est question du corps des femmes et de la liberté de disposer de son corps y compris pour faire du sport. Comble de malheur, les femmes qui recherchent avec obstination la reconnaissance de leur groupe social, veulent apparaître comme « respectables » et ont tendance à s’accrocher à la religion (ou à la tradition) comme à une bouée de sauvetage. D’ailleurs c’est ce même argument - le respect des exigences religieuses ou culturelles - qui est avancé par les États signataires de la Convention des Nations Unies pour l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes (CEDAW), pour justifier les réserves qu’ils émettent à la mise en application de ce texte pourtant fondamental.

Pour quelles raisons les femmes, les féministes ne s’intéressent-elles pas à ces luttes ? Est-ce parce que nous sommes étrangères à notre corps ?

A. S. - En fait, on a un double problème : les féministes sont plutôt des intellectuelles et elles se disent que le sport n’est pas un combat principal. Quant aux sportives elles ne se déclarent pas féministes, sans doute parce qu’elles ont déjà assez de mal à s’imposer dans un monde fait par et pour les hommes sans vouloir ajouter une difficulté supplémentaire. Ce sont donc deux mondes qui ne se parlent guère et qui pourtant, l’histoire est là pour en témoigner, ont eu une grande influence l’un sur l’autre. À chaque grande vague féministe il y a eu un développement parallèle du sport féminin. L’enjeu aujourd’hui est sans doute de faire se rencontrer ces deux mondes. Enjeu particulièrement crucial s’agissant des pays sous la loi islamique.

Combien de délégations censées représenter leur pays aux JO ne comprennent aucune femme sportive ? Quelles sont les raisons politiques et pratiques de ces délégations sans femmes ?

A. S. - En 2008, aux JO de Pékin, il y avait encore trois délégations sans femmes : celles de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de Brunei. À Londres en 2012, la pression du CIO s’étant enfin intensifiée, il ne restera plus sans doute que l’Arabie Saoudite à n’envoyer que des hommes. Il faut savoir que dans ce pays qui pratique un islam très rigoriste, le wahhabisme, le sport est même interdit dans les collèges et les écoles publiques. Il n’y a même pas de stade pour les filles. Le président du CNO d’Arabie Saoudite a fait des déclarations contradictoires, tantôt affirmant que, devant les menaces d’exclusion, son pays enverrait des femmes saoudiennes qui ont pu s’entraîner à l’étranger. Puis, il est revenu sur cette annonce affirmant qu’aucune Saoudienne n’aurait l’aval des autorités sportives saoudiennes. L’obstacle principal avancé dans les pays islamiques est « la promiscuité résultant de la mixité ». Naturellement, cet obstacle ne joue que pour les femmes. Deuxième argument : les femmes n’ayant pu s’entraîner, elles n’ont pas le bon niveau. C’était le prétexte avancé par le Qatar. On sait que la Charte olympique permet au CIO, dans certains cas, de passer outre ces minimas dès lors que ces athlètes représentent un modèle pour les jeunes.

Dans cette lutte portée par votre association Atlanta +, quels sont les moments où vous vous êtes dit : ouf ! Cela valait la peine de faire tous ces efforts ?

A. S. - Non, je me suis plutôt dit que cette bataille contre le CIO est sans doute la plus difficile que j’ai eu à mener. C’est vraiment ramer à contre-courant que de dire « il vaut mieux qu’il n’y ait pas de femmes du tout que des femmes voilées ». A priori je pensais que le fait que la règle 50 de la Charte olympique interdise toute expression politique ou religieuse aurait été un argument suffisant pour comprendre que cette interdiction s’adressait aussi au voile islamique. Or la raison est balayée par les attitudes faussement compassionnelles à l’égard de ces « pauvres femmes qui sans cela ne seraient pas admises aux JO ». Qu’elles soient éventuellement handicapées ou stigmatisées par le costume islamique ne semble gêner personnes. Le sport c’est le règne de la règle unique. Or, on oublie tout cela quand il s’agit des femmes. N’est-ce pas une forme extrême de mépris ?

Lorsque je discute avec les copines sur la place des femmes dans les JO, je me rends compte de la difficulté de la lutte du comité Atlanta +. Car les femmes avec raison disent que les JO, c’est un milieu corrompu et pourri, du coup elles restent totalement étrangères aux luttes que mènent les sportives pour pouvoir percer dans ce monde très masculin et très misogyne. Que faut-il faire pour rompre ce cercle ? Tant que les femmes ne s’intéresseront pas aux JO, elles en resteront exclues, et tant qu’elles en sont exclues, pas de changement possible !

A. S. - Le monde du sport est sans doute corrompu et macho. Mais c’est le cas de la société toute entière. Si l’on avait attendu qu’il en soit autrement pour revendiquer notre juste place, nous serions toujours là à attendre derrière la porte. Étant une féministe égalitariste et universaliste, je ne pense pas que les femmes soient meilleures que les hommes et que nous allons créer un monde plus « beau et plus propre ». Il nous faut investir tous les domaines d’activité parce que ce n’est que justice. Le sport, quelles que soient les critiques qu’on lui apporte, est le phénomène culturel le plus populaire au monde. Des femmes y trouvent une activité qui les passionne. Il n’est que de regarder Damla Rushdie, la cavalière saoudienne, qui aux Jeux de la jeunesse de Singapour, a concouru à 17 ans en 2010, à titre personnel et remporté une médaille de bronze à l’épreuve de saut d’obstacles mixte. Elle s’était entraînée en France, car dans son pays le sport est interdit aux filles dans les collèges publics. Le problème est ailleurs : comment faire comprendre aux mouvements féministes qu’il s’agit d’un thème majeur pour l’émancipation et pour casser les stéréotypes ? C’est ce que nous avons commencé à faire en nous alliant au Lobby européen des femmes à travers la coordination française.

Pendant que les hommes se disputent les coupes du monde, et s’éclatent en « dieux des stades », les femmes sont enfermées dans les boxes pour servir les hommes en tant que « prostituées ». Avez- vous des revendications pour abolir la prostitution ?

A. S. - Nous avons naturellement intégré dans nos sept revendications la question de la prostitution, car on ne peut pas afficher que l’objet principal du sport est la construction d’un « monde meilleur » (cf la Charte olympique), et baisser les bras devant la prostitution qui s’étale dès qu’un grand événement sportif a lieu. Ce combat est essentiel, mais il a été bien pris en main par le mouvement féministe. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit réglé. Ce qui se passe en Ukraine pour l’Euro 2012 est révélateur. Des jeunes féministes de Femen sont très actives sur le sujet. Nous avons d’ailleurs protesté suite à l’arrestation, le 24 mai 2012, de Yana Zhdanova, militante de ce groupe féministe : elle a été condamnée à cinq jours de prison ferme après avoir tenté de s’emparer du trophée de l’Euro 2012 à Lviv, en Ukraine. Ce geste spectaculaire et symbolique de Femen avait pour objectif d’attirer l’attention du public sur le scandale de la prostitution qui accompagne les grandes compétitions sportives, en l’occurrence l’Euro 2012 de football.

Le 25 juillet, 2 jours avant les JO, vous avez une Conférence de presse et un marche quelles sont vos revendications à Londres ?

Contre les discriminations ordinaires
1. Parité : dans les disciplines et les épreuves Olympiques
2. Organes de décision : présence d’au moins 20% de femmes et engagement à terme vers la parité.
3. Reconnaissance et visibilité des sportives : le président du CIO devrait remettre la Médaille d’or à la fois au marathonien et à la marathonienne

Contre la ségrégation fondée sur le sexe
4. Bannir les délégations composées uniquement d’hommes
5. Bannir les délégations arborant des signes politico-religieux
6. Le CIO ne devrait plus apporter sa caution aux jeux internationaux de la ségrégation organisés par Téhéran pour les femmes.

Une revendication plus globale afin de « construire un monde meilleur »
7. Lutter contre les stéréotypes (sexisme, homophobie, transphobie), ségrégation entre JO et Jeux paralympiques, prostitution autour des Jeux).

Rendez-vous le 25 juillet avec vous toutes.

Propos recueillis par Ana Pak.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 juin 2012



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Ana Pak, féministe laïque



Plan-Liens Forum

  • À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)
    (1/1) 20 juin 2012 , par





  • À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)
    20 juin 2012 , par   [retour au début des forums]

    Bravo à Annie qui est de tous les combats féministes


        Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

    © SISYPHE 2002-2012
    http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin