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lundi 6 mai 2013

Les micro-identités et le "libre choix" érigé en système menacent les luttes féministes

par Christine Le Doaré, Irréductiblement féministe






Écrits d'Élaine Audet



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En écoutant Jean-Michel Carré, cinéaste et auteur de « Des travailleurs du sexe », sur France Inter le 30 avril dernier, j’ai réalisé que lui, comme tous ceux et celles qui font l’apologie du principe de liberté individuelle absolue, aboutissent souvent à cautionner les pires déviations et systèmes d’exploitation, des femmes en particulier.

Il s’est présenté comme libertaire et ancien maoïste ce qui, selon moi, est contradictoire puisque les libertaires prônent une liberté absolu et la négation de tout principe d’autorité et de contrainte, alors que Mao a instauré un système autoritaire digne des pires dictatures. Il a n’a pas hésité à dire que nous n’étions pas fondés à parler des Droits de l’Homme en Chine ni à lui faire la leçon car nous traitons mal les Roms. Certes. Cependant, la nuance est tout de même de taille entre ne pas traiter comme nous le devrions les Roms chez nous, et maintenir à l’échelle d’un pays tout entier une dictature corrompue et brutale !

Il a ensuite expliqué qu’il était « maoïste libertaire » parce qu’il voulait vivre la libération sexuelle de 68 et qu’il se sentait toujours concerné par la lutte contre le patriarcat. La fameuse « libération sexuelle de 68 » ! Bien sûr, les femmes en ont bénéficié. Mais nombreuses sont celles qui ont fini par l’admettre : la libération sexuelle bénéficiait surtout aux hommes, les femmes se devaient d’être en permanence disponibles et enthousiastes, sinon considérées comme coincées. Libération sexuelle, oui, mais dans les limites du système patriarcal qui n’avait pas disparu pour autant. M. Carré, elles ne vous ont pas dit en 68, que la sexualité était libre, gratuite et désirée ?!

À la défense du système patriarcal/proxénète

Le système patriarcal, Jean-Michel Carré le défend d’ailleurs efficacement avec sa propagande pour le « travail du sexe ». Tout comme Mao n’était pas un libertaire mais un dictateur, la prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, mais bien la plus vieille arnaque patriarcale, puisqu’elle vise à maintenir un quota de femmes (et de quelques hommes pour satisfaire une minorité homosexuelle) sacrifiées aux exigences sexuelles et aux besoins de domination des hommes. Dans leur immense majorité, ces femmes sont de classes défavorisées, victimes de racisme et/ou ont subi des violences sexuelles dans leur enfance. Merci monsieur le maoïste libertaire de leur réserver la plus belle place dans nos sociétés !

Et puis, comment faites-vous pour nous parler de la Chine sans nous dire que ce pays a commis le plus grand massacre génocidaire de toute l’histoire de l’humanité en éliminant plusieurs dizaines de millions de femmes, et en en déportant d’autres dizaines de millions à des fins de mariage forcé et de prostitution ?

Mais Jean-Michel Carré n’est pas le seul dans ce cas ; ils sont très nombreux les hommes, et les femmes aussi, qui considèrent que la liberté de choix prime et que si quelques femmes disent : « Je veux être ’pute’ », « J’ai choisi la prostitution », il faut le croire et s’en contenter, voire même en déduire que c’est le cas du plus grand nombre d’entre elles. Rassuré-e-s, ils et elles peuvent se rendormir sur leurs deux oreilles, ainsi va le monde et si des femmes se prostituent, c’est parce qu’elles aiment ça, en ont rêvé, une vocation, en sorte. En outre, quelle aubaine, vu que l’égalité femmes-hommes, c’est tout de même une utopie et qu’il faudra toujours des femmes dont les hommes pourront disposer !

Cautionner les pires exploitations au nom du principe de la liberté absolue

Je me demande parfois ce qui les empêche de voir l’égocentrique violence de cette opinion. Comment font-ils pour cautionner, au nom du principe du « libre choix », les pires exploitations et violences ? Comment font-ils pour ignorer que personne, jamais, n’est libre complètement, ni de son corps, ni de ses envies, ni de sa vie ? Notre cadre de vie dès la naissance, nos rencontres, nous font et nous défont constamment. Les institutions sont déterminantes, l’enseignement, les valeurs républicaines et/ou religieuses, politiques, syndicales sont des moules.

Bien sûr, chaque personne dispose d’une marge de manœuvre et fera des choix tout au long de sa vie, des choix cruciaux, mais toujours dans un cadre collectif et jamais en dehors du regard d’autrui et des codes des groupes d’appartenance et/ou de rejet. Un-e « sans abri » est aussi libre que moi, mais de quoi est-il ou est-elle libre exactement ? Suis-je aussi libre que d’autres qui détiennent des moyens que je n’ai pas (âge, revenus, formation, qualifications, réseaux, etc.) ?

Dans bien des situations, ce n’est pas la liberté qui protège les personnes, en particulier les personnes vulnérables ou fragiles, c’est la loi, le cadre social, les références culturelles et « morales », etc. Ériger le principe de liberté absolue en système politique me semble, bien que je sois farouchement attachée à ma liberté, infantile et égocentrique. Au nom d’un principe de « libre choix », dont la réalisation est parfaitement hypothétique, les gens qui justifient, maintiennent, renforcent le système prostitueur se font en réalité les complices d’un système d’exploitation et de violences inouïes qui génèrent d’énormes profits et une criminalité toujours plus importante. La double peine ne leur fait pas peur, puisqu’ils la légitiment par la « liberté de choix ». Ainsi ils peuvent condamner, en leur âme et conscience, celles et ceux qui ont eu le mauvais goût de naître dans les basses classes, ont été victimes d’un accident de la vie, ont subi des violences sexuelles dans l’enfance, ou ont été victimes d’un proxénète ou d’un réseau, à se prostituer pour tenter de s’en sortir.

Le Mouvement des L,G,B,T,Q,I,A, etc. ou les micro-identités : gommer le système d’oppression contre les femmes

Ces « libertaires » et révolutionnaires aux contradictions effarantes sont les mêmes qui encouragent l’émergence des micro-identités, toutes les micro-libertés devant être promues. C’est aussi le cas, dans le mouvement homosexuel devenu Mouvement L, G, B, T, Q, I, A, etc.* À chaque fois qu’une poignée de personnes a une spécificité bien à elle et juge être plus gravement discriminée que les autres, il faut ajouter une lettre, sinon subir un constant harcèlement. Les droits de la lettre L (lesbiennes) sont toujours amplement ignorés par le Mouvement LGBTQIA… mais il faut prioriser, par exemple, les droits des I (Intersexués). Ce principe de saupoudrage est le même pour toutes les catégories, de genre/sexe, mais aussi les catégories religieuses, ethniques, etc. Les micro-identités peuvent diviser les forces, seules les personnes concernées s’intéressant à leur micro-problème, pendant ce temps-là, d’autres ne se gênent pas pour continuer d’exploiter et opprimer massivement les populations !

Le plus important surtout, c’est de bien gommer qu’il y a toujours la moitié de l’humanité qui vit sous domination masculine, qu’il y a des systèmes d’oppression économique majeurs, etc. J’ai relevé de telles dérives, particulièrement en matière d’égalité de genre : les études de genre, les droits des femmes, ne devraient plus seulement être féministes et porter sur l’analyse et la déconstruction du système patriarcal, mais prendre en compte les droits des trans, les questions de genre n’étant plus seulement comprises comme une problématique d’égalité femmes-hommes, mais comme une déconstruction du genre au profit d’un « troisième genre ».

La question est intéressante mais ne devrait pas pour autant gommer les luttes féministes. Pourtant, c’est bien ce qui se passe et l’on glisse d’une lutte contre les violences de masse du genre masculin à l’encontre du genre féminin, vers une problématique minoritaire, celle des personnes trans. Comme si les rapports sociaux de sexe n’existaient plus, comme si l’écrasante majorité de la population n’était pas toujours plongée dans la dichotomie d’un monde dans lequel les femmes et les hommes n’ont toujours pas la même valeur ni la même place.

Les personnes trans rencontrent en effet des discriminations avant, au cours de leur parcours de transition, et après (papiers d’identité conformes, etc.), ces problèmes doivent être reconnus et résolus, mais pas au détriment des luttes féministes. Pourtant, même au niveau européen, les programmes et agendas des Gender Issues (Égalité de genre) sont perturbés par la place disproportionnée accordée à des questions touchant des micro-communautés. Des conférences féministes sont sabotées par des activistes trans/queers. Mon propos n’est pas de dire que les minorités n’ont pas de problèmes qui ne doivent pas être reconnus, bien entendu, mais que les équilibres doivent être maintenus et les efforts proportionnellement consentis.

Des jeunes LGBT, mais pas seulement, sont séduits par ces dérives issues des théories queers. Ils peuvent s’isoler un temps des réalités sociales, vivre entre eux, prétendre s’affranchir des rapports sociaux de sexe, choisir le genre qui leur convient, celui du « milieu ». Ils seront rattrapé-e-s par les réalités sociales. Les plus lucides en tireront les conclusions qui s’imposent. Mais certain-es tenteront d’imposer leurs revendications et, plutôt que de contribuer à déconstruire le système patriarcal et la domination masculine en reconnaissant aux femmes le droit de s’organiser de façon autonome et prioritaire, s’attaqueront aux féministes, comme les queers et activistes trans qui ont cette année perturbé les inscriptions à une conférence féministe radicale au Royaume-Uni.

L’instrumentalisation, la mise en valeur, la prolifération de micro-communautés au détriment d’une lutte de masse contre les systèmes d’oppression dominants, qui en tire profit sinon le système patriarcal et ses bénéficiaires ? Tous les chantres de la « liberté de choix », dans une société phallocrate et dépolitisée, en utilisant de la sorte ce concept de liberté, qu’ils en soient conscients ou non, empêchent les femmes de s’organiser pour revendiquer et obtenir l’abolition du patriarcat.

Encourager la domination sous couvert de subversion

Ce qui m’étonne encore le plus c’est que tant d’intellectuel-les les cautionnent. Il faut qu’ils/elles aient démissionné devant l’indigence et la démagogie de ce « prêt à penser » pour ainsi s’en satisfaire ! Notre société de consommation, d’apparences et d’indifférences, malade de son individualisme vide de sens collectif, encourage les personnes qui, sous couvert de subversion, contribuent au maintien des systèmes de domination et même les renforcent.

Il va pourtant bien falloir sortir de cet éclatement qui profite aux systèmes et revenir aux fondamentaux.

* Note de Sisyphe.
Pour les non-initiées, voici le sens des lettres LGBT QIA : L=lesbiennes, G=gais ou gays, B=bisexuel-les, T=transsexuel-les= Q=queers, I=Intersexué-es, A=asexué-es.

 Texte original complet sur le site de Christine Le Doaré : "Revenir aux fondamentaux".

 Lire aussi : La misogynie n’a pas sa place dans le féminisme

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 mai 2013.



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Christine Le Doaré, Irréductiblement féministe



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  • John Stoltenberg commente ce fractionnement en "micro-identités"
    (1/1) 3 mai 2013 , par





  • John Stoltenberg commente ce fractionnement en "micro-identités"
    3 mai 2013 , par   [retour au début des forums]

    Dans une préface rédigée il y a 15 ans pour présenter au public britannique "Refusing to be a man", qui vient de paraître chez Syllepse et M Éditeur sous le titre "Refuser d’être un homme", le militant proféministe John Stoltenberg (veuf d’Andrea Dworkin) commente ce phénomène en y décelant le poids d’un libéralisme, mieux implanté que la reconnaissance d’une oppression par le groupe dominant des hommes, blancs, adultes, hétéros, riches.
    Il écrit notamment :
    "(...) le mouvement progressiste est aujourd’hui en pleine déroute aux États-Unis. Faute d’un ennemi commun, ses factions ne peuvent être ralliées, ni les foules être soulevées. Au cours des deux dernières décennies, depuis que le mouvement des droits civiques a inspiré la Black Pride (« fierté d’être Noir-e ») à des centaines de milliers de personnes, on a vu émerger un effort de coalition de catégories de personnes se revendiquant d’une oppression analogue, une fragile mosaïque de personnes diversement privées de leurs droits, stigmatisées et subordonnées à l’intérieur d’une hiérarchie sociale où, en raison d’un trait commun, d’une acculturation ou de quelque autre marqueur de statut, on les considère comme « autres », d’une façon qui correspond à une catégorie donnée.
    En un sens, ce développement a eu un bon côté : le mouvement américain des droits civiques a fourni à toutes sortes de gens un modèle leur permettant de résister fièrement à toute tentative de leur faire honte et de les rabaisser. En revanche, le droit américain des droits civiques – qui ne perçoit une « discrimination » qu’entre les catégories identifiables selon des termes de démarcation que reconnaît la loi – a eu pour effet paradoxal de réifier l’ensemble des catégories, y compris et particulièrement celles des groupes dominants. Ainsi, plus la loi définit la discrimination « en raison de la race », plus la catégorie de « blancheur » s’impose. Plus la loi corrige les griefs formulés « en raison du sexe », plus la catégorie des « hommes » acquiert un poids démesuré. L’impulsion originelle du mouvement des droits civiques, avec comme fondement une éthique radicale de l’égalité, a ainsi été éclipsée, peut-être même supplantée, par des distinguos juridiques sur l’importance d’éviter toute discrimination entre les catégories ainsi réifiées.
    Les libéraux aiment bien ce principe, puisqu’il maintient en place des systèmes de catégories bien connus. Les conservateurs l’aiment aussi, parce que des plaidoiries habiles peuvent facilement détourner ce principe pour qu’il serve à conforter les prérogatives d’une catégorie dominante, sous prétexte d’un « traitement égal devant la loi ». Quant aux partisan-es d’une politique radicale – qui comprennent que certaines catégories de différence, telles « la race blanche » et « le sexe masculin », n’ont d’existence historique que par la domination de quelque autre, ils et elles s’accommodent du mieux qu’ils peuvent de cette législation des droits civiques.
    Aux États-Unis, la législation antidiscrimination actuelle – que l’on pourrait qualifier de maniaco-catégorisante – a aussi nui aux efforts des progressistes pour former des coalitions. Depuis quelques années, ces assemblages hétéroclites sont devenus de plus en plus difficiles à définir et à coordonner – du moins sans appels démagogiques à l’unité contre quelque groupe ou figure adverse diabolisée – et ce parce que bon nombre de ses leaders moraux se sont généralement épuisés en querelles de distinctions entre groupes catégorisables. Cela donne inévitablement lieu à des concurrences et à des conflits quant à quel groupe est le plus vulnérable, le plus hanté par l’histoire, le plus dénigré et méprisé. Et, forcément, ces catégories manquent toutes de démarcations claires, puisque le sens de chacune n’est pas relatif aux autres catégories mais bien à chaque identité dominante définie contre et en regard de chaque « altérité » disparate.
    Par ailleurs, si qui que ce soit appartient à deux ou plusieurs catégories d’« altérité » et refuse de limiter son engagement à une seule d’entre elles, ou si cette personne appartient à un conglomérat d’identités dont une, dominante, en « altérise » une autre, on voit échouer le modèle progressiste de coalition post-droits civiques. En effet, la notion de catégories d’oppression ne convainc que dans la mesure où elle semble créer une « identité » pour la classe de personnes y appartenant (c’est l’argument de Baldwin : « Si vous insistez pour être blanc, je n’ai d’autre alternative que d’être noir »). Mais l’identité qui est créée de la façon la moins équivoque n’est jamais autre que l’identité dominante : la blancheur, le masculin, l’hétérosexualité, bref la normalité, l’identité – quelle qu’elle soit – qui s’évaporerait sans une catégorie subordonnée à altériser.(...)"
    (pages 46 et ss.)


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