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vendredi 10 janvier 2014

La Brigade rose, des femmes indiennes combattantes

par Sanjit Das, photojournaliste






Écrits d'Élaine Audet



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Le Bundelkhand est l’un des endroits les plus pauvres de la région de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde. C’est aussi l’un des territoires les plus denses d’un pays déjà largement surpeuplé. Confrontés à des terres infertiles, à une justice corrompue et au système de caste indien, oppressif et archaïque, les habitants du Bundelkhand doivent lutter quotidiennement pour leur survie.

Bref, on ne s’y amuse pas beaucoup. Et ce n’est peut-être pas très surprenant, mais annonçons-le d’emblée : les violences domestiques et la relégation des femmes au rang de citoyens de seconde zone font que l’Inde n’est pas exactement la terre des droits de la femme. Dans cet environnement catastrophique, un groupe d’autodéfense baptisé le Gulabi Gang (gulabi signifie rose) se bat — souvent au sens propre — pour plus d’égalité. Ce gang est constitué de plus de dix mille femmes qui portent toutes le même uniforme, un sari rose. Elles sont expertes dans le maniement du lathi, un bâton de combat indien traditionnel. Trop beau pour être vrai ? On pensait la même chose avant de les rencontrer. Ces femmes épatantes sont de vraies dures. Elles n’hésiteraient pas à vous exploser les genoux d’un coup de bâton.

Fondé il y a deux ans à peine, le gang est déjà sous le coup de nombreuses accusations pour rassemblements illégaux, émeutes, agression d’un représentant de l’État et obstruction à la justice. Sampat Pal Devi, 47 ans, leader du Gulabi Gang, est une femme de caractère, pas du tout découragée par les réquisitoires contre son armée. À peine instruite, mère de cinq enfants, Sampat Devi est devenue une figure messianique dans sa région natale.

« Le mot ‘gang’ ne veut pas forcément dire ‘criminel’, affirme-t-elle, ça peut aussi désigner une équipe. Nous sommes un gang qui œuvre pour la justice. Lors des rassemblements et des manifestations hors de nos villages, nos membres se perdaient souvent dans l’agitation de la foule. Nous avons décidé de nous habiller d’une seule couleur, plus facilement identifiable. Nous ne voulions pas utiliser des couleurs associées à des groupes politiques ou religieux. Nous avons choisi le rose, la couleur de la vie. C’est bien. Ça attire l’attention du Gouvernement. »

Le système de caste plane sur l’Inde comme un nuage noir. Non seulement la plupart des membres du gang sont d’origine pauvre, mais elles font aussi partie de la caste la plus basse, les dalit (intouchables). Quelques mois plus tôt, dans l’Uttar Pradesh, une dalit s’est fait violer par un homme d’une caste supérieure. La police n’a pas daigné enregistrer la plainte. Quand les villageois ont protesté, ils ont été arrêtés et mis en garde à vue. Mené par Sampat Devi, le Gulabi Gang a pris d’assaut le commissariat de police pour exiger la libération des villageois et l’enregistrement de la plainte contre le violeur. Elles s’en sont prises physiquement à un policier quand celui-ci a refusé de se plier à leurs demandes. Une enquête est toujours en cours.


Au mois de juin dernier, les Gulabi ont connu leur plus grand succès. Après avoir reçu des plaintes contre un magasin d’État à bas prix (l’équivalent du welfare aux États-Unis), situé à Attara, qui ne distribue pas correctement les céréales, Sampat Devi et son gang décident de surveiller secrètement les agissements du directeur du magasin. Le gang intercepte deux camions chargés de céréales destinées à l’origine aux personnes sous le seuil de pauvreté, pourtant en route pour être revendues sur le marché. Cette preuve en main, les membres du gang font pression sur les autorités locales pour qu’elles récupèrent les céréales et livrent le directeur à la police, mais une fois encore, la plainte n’est pas enregistrée. Furieuses, les membres du gang attaquent l’un des agents de police. Si aucune plainte formelle n’a été déposée, cet événement a fortement renforcé la crédibilité du gang dans la région.

Plusieurs membres de la communauté locale comparent Sampat Devi à la légendaire Reine de Jhansi, Laxmibai. Ils manifestent leur reconnaissance en apportant leur soutien au gang. Babloo Mishra permet au gang d’utiliser sa maison comme bureau : « Ces femmes sont prêtes à défendre la cause de n’importe qui, tant que c’est justifié, explique-t-il. Elles n’agissent pas uniquement dans l’intérêt du gang. » Mais, même s’il est aidé par des gens comme Mishra, le gang a besoin de financement pour lancer une petite industrie, afin de fournir des emplois aux villageois et villageoises. Sampat Devi rêve de posséder une entreprise textile pour employer les femmes de la région, mais le manque de capitaux est un obstacle sérieux à la réalisation de ses rêves. Beaucoup reste à faire dans la région, et les citoyens et citoyennes comme Sampat Devi contribuent à faire évoluer les choses. Si les plaintes contre le gang sont souvent lancées à la suite de ses opérations illégales, pour Sampat Devi et ses associées, il ne s’agit pas de contourner la loi, mais de résister et de défendre ses droits.

La cheffe et des membres de la Brigade rose

Sampat Pal Devi, 47 ans

Je dirige le Gulabi Gang. J’ai fondé l’association dans les années 1990 mais je l’ai nommée ainsi il y a deux ans. Nous voulons donner plus de pouvoir aux femmes, promouvoir l’éducation des jeunes — surtout des filles — et mettre un frein à la corruption et aux violences domestiques. Tous les jours, je rends visite aux différents membres du gang dans leurs villages. Si nous apprenons qu’il se passe une chose à laquelle nous sommes opposées, nous nous réunissons et décidons d’un plan d’action. Nous demandons d’abord à la police de réagir. Mais comme dans notre pays, le gouvernement n’est jamais en faveur des pauvres, nous finissons souvent par prendre les choses en main. On commence par parler au mari qui bat sa femme. S’il ne comprend pas, nous demandons à son épouse de se joindre à nous quand nous le battons avec nos lathi (bâtons). Nos missions, en cas de problèmes domestiques, ont un taux de réussite de cent pour cent.

C’est le dialogue avec les autorités qui est difficile, parce qu’on ne peut pas toujours recourir à la loi, surtout avec des législateurs aussi corrompus. Nous avons battu des représentants véreux, mais ça n’a servi à rien. Je suis constamment menacée par leurs hommes de main. Un jour, ils sont arrivés à plusieurs et ont menacé de m’abattre, mais les femmes sont venues à mon secours, elles leur ont jeté des briques et ils se sont enfuis. Ils ne sont jamais revenus. Je n’ai peur de personne. Mes femmes sont avec moi, elles sont ma force. Ma famille ne m’a pas toujours soutenue, mais quand j’ai persisté et que j’ai expliqué à mon mari, il a compris. Depuis il me soutient.

Ce que je fais n’est pas facile. Je n’ai pas d’argent. Je me déplace partout sur un vieux vélo. Certains nous aident en faisant de petits dons et des actes de charité. Je veux que ce mouvement continue. Il faudrait trouver de l’aide du côté des organisations internationales ou locales. Je travaille pour le peuple. Je veux créer une petite industrie pour les villageois et villageoises dans le besoin qui travaillent avec moi. Il y a des jeunes filles et des jeunes hommes talentueux, qui savent faire du purin organique, des bougies, des médicaments ayurvédiques et cultiver des cornichons. Ils pourraient vivre décemment. Si j’obtiens des fonds, je pourrai créer un atelier de couture pour les femmes, qui seront en mesure de subvenir aux besoins de leur famille. L’avenir est brillant pour le Gulabi Gang. C’est un mouvement populaire qui va s’étoffer, à condition d’avoir le soutien des autorités locales.

Banhari Devi, 42 ans

Je n’ai pas de travail, pas d’argent, et je compte sur mon fils pour ramener de quoi manger chaque soir, pour qu’on puisse au moins avoir un repas par jour. Sampat Devi est venue à mon secours. Elle est comme le messie, elle se soucie toujours des pauvres. Elle s’est battue pour moi et elle a réussi à me faire obtenir la carte rouge (carte qui prouve qu’on vit en dessous du seuil de pauvreté). Ma famille est très pauvre, et cette carte me donne accès au riz et au blé à bas prix des centres de distribution publics.

J’ai rejoint le gang il y a six mois et depuis, j’ai confiance en moi, je me sens beaucoup plus forte. Quelquefois, nous sommes parties en mission avec le Gulabi Gang, et le Gouvernement nous a menacées. Le fait d’être en groupe nous donne une telle confiance en nous que nous sommes prêtes à combattre les injustices. Quand j’ai rejoint le gang, Sampat Devi nous a présenté les objectifs du groupe. On a appris à se battre au lathi. C’est, à la base, une technique défensive. Nous ne sommes pas un groupe violent, mais si vous nous défiez, nous pouvons le devenir. Nous utilisons d’abord des méthodes pacifiques, mais si elles ne fonctionnent pas, nous nous servons de nos lathi. Le gang a changé ma vie. Je veux y rester jusqu’à ma mort.

Kamat Devi, 48 ans

Ça fait maintenant deux ans que je suis dans le gang. J’ai participé à pratiquement toutes les campagnes récentes. Même si je n’ai pas de rôle défini au sein du gang, je finis toujours par m’occuper des différends domestiques ou de faire l’arbitre dans les disputes entre voisins. Quand nous apprenons qu’il y a une querelle de voisinage, nous nous réunissons, avec Sampat Devi, pour trouver une solution à l’amiable. Ce n’est pas toujours évident, mais les gens respectent le Gulabi Gang parce que nous adoptons toujours une position neutre. Je n’aime pas du tout recourir à la force. J’ai appris à me servir du lathi pour me défendre, pas pour attaquer. Les autres respectent ma position et je peux travailler comme je l’entends, tant que la mission est accomplie. Mon mari possède une petite parcelle de terrain et je l’aide dans les champs. La terre n’est pas assez fertile et il doit parfois chercher du travail journalier en ville, sans pour autant y parvenir à chaque fois. J’ai réussi à obtenir la carte rouge et maintenant, j’ai au moins le droit au riz et au blé à bas prix. Je me demande souvent ce qui nous serait arrivé si je n’étais par membre du Gulabi Gang.

Aarti Devi, 22 ans

Mon père, Chnadra Bhan, est un homme instruit. Bien qu’il soit un dalit, il a obtenu un double master à l’Université. Il a toujours dû se battre pour défendre ses droits et la dignité des villageois locaux. Il y a environ six mois, un homme d’une caste supérieure a violé une dalit. La police a refusé d’enregistrer la plainte. Quand mon père a protesté, on l’a mis en garde à vue avec deux autres personnes. Je suis allée trouver Sampat Devi pour lui demander de l’aide. Ce même jour, j’ai rejoint le gang. Conduites par Sampat, nous avons pris d’assaut le commissariat de police. Nous avons exigé que mon père et les autres villageois soient relâchés. La police refusait toujours d’enregistrer la plainte contre le violeur. Nous avons fini par tabasser un policier à coups de lathi.

Je ne veux pas me coucher devant l’injustice. Mon père est une grande source d’inspiration pour moi, il était très fier quand il m’a vue habillée d’un sari rose, en train de manifester et de crier des slogans avec le reste du Gulabi Gang. Sampat Devi m’a entraînée à manier le lathi. Elle insistait beaucoup, c’était d’abord un moyen de défense, plus qu’une arme d’attaque. J’ai souvent été menacée par les gros bras du Gouvernement et par les autorités, on a déjà braqué un pistolet sur moi. Mais ils ne me font pas peur.

Faire partie du gang me donne de la confiance et de l’assurance. Dans la plupart de nos interventions, nous insistons sur les droits de la femme, la création d’emplois, la promotion de l’éducation, tout ça pour améliorer la condition des pauvres et des nécessiteux. Nous sommes l’avenir du Gulabi Gang. Nous sommes prêtes à tout pour rendre l’égalité et la justice à ceux qui en sont privés.

 Visitez le site du Gulabi Gang !

 Merci à Tlaxcala, un magnifique site de traducteurs et de traductrices que nous vous invitons à lire, de son autorisation pour la reproduction de ce texte sur Sisyphe. Lien de la traduction de l’article publié sur Tlaxcala le 1 janvier 2013.

 Source originale : « A Flux Of Pink Indians : The Fighting Women Of The Gulabi Gang ». Date de parution de l’article original : 02/02/2008.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 janvier 2014



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Sanjit Das, photojournaliste



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