Je constate qu’on discourt énormément autour de la mort du pape : premières pages dans les journaux, lignes ouvertes, temps d’antenne, débats, spéciaux télévisés, reportages en direct...

Presque au même moment des femmes sont mortes après des revendications, des combats, sans qu’aucune page ne leur soit consacrée.

Marie-Josée Lemieux, mère monoparentale, syndicaliste contre un géant américain du commerce, est morte à 40 ans d’une crise cardiaque. On dirait qu’elle se battait tel David contre Goliath sauf que David a gagné sur toute la ligne et a vécu longtemps.

Quelques jours plus tard, meurt à 40 ans, Josée-Anne Desrochers d’une infection pulmonaire. Elle était la mère de Daniel, 11 ans, mort dans l’explosion d’une bombe des Hells Angels. Depuis dix ans, elle se démenait et avait fondé le RIVCO, regroupement des innocentes victimes du crime organisé. Lors de la conférence de presse du regroupement, aucun média ne s’était présenté.

Une victime, ce n’est pas glamour ? Ça pue ? Ça donne pas des sensations fortes ? Ça fait looser ?

Une ermite en mal d’attention qui se déclare l’ange gardien de Mario Bastien (un autre tueur d’enfant) a obtenu que l’équipe d’Enjeux se déplace et fasse un reportage sur elle et son Mario consacrant leur commun vedettariat. Pour ça les radio-canadiens étaient présents, pas pour le RIVCO.

La vie fait vivre certes et si la mort faisait réfléchir ? Et si la réflexion faisait agir ? Alors la mort nous amènerait-elle à évaluer la vie, les vivants, les vivantes, les priorités, les célébrités, autrement ?

Lucie Poirier

Le journal Métro, vol, 5 no 26, p.10 mercredi 6 avril 2005.

Soumis à Sisyphe le 10 avril 2005

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