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vendredi 27 mai 2005
L’agence Ogilvy et Mather : premier prix dans l’art du décervelage

par le Collectif contre le publisexisme

Lundi 16 mai, une vingtaine de militant-e-s féministes et antipub ont fait irruption dans les locaux de l’agence Ogilvy et Mather pour remettre un prix aux concepteurs des nouvelles campagnes de pub de la marque Dove, filiale de la multinationale Unilever. Ce prix, celui de la meilleure récupération publicitaire de l’année, visait à
dénoncer la façon dont les experts en communication et en marketing pillent les idées subversives pour mieux les tourner en dérision tout en continuant de nous enfermer dans des schémas sexistes et consuméristes. Les principaux responsables de la campagne Dove n’ont étrangement pas daigné recevoir ce splendide trophée, et nous sommes donc reparti au bout d’une heure après avoir fait le tour de leurs bureaux en distribuant nos tracts et en scandant « dissolution des agences de pub »,
« ni à prendre ni à vendre, les femmes ne sont pas des objets », et plutôt
« chômeur-euses que publicitaires ». Une jolie façon d’égayer le quotidien morne des publicitaires qui avaient choisi de travailler en ce jour de grève !

°°°°°

Voici le tract distribué par le Collectif contre le publisexisme.

L’agence Ogilvy et Mather : premier prix dans l’art du décervelage

L’art des publicitaires, comme chacun sait, est un art de la manipulation des masses. En ce sens, vous faites honneur à votre profession en signant la campagne Dove. Elle prouve une fois de plus combien vous, les publicitaires, êtes capables d’assimiler en les vidant de leur sens toute idée contestataire, toute lutte d’émancipation, allant jusqu’à récupérer à votre compte le ras-le-bol des masses vis-à-vis du matraquage publicitaire lui-même. Avec la campagne Dove vous avez su instrumentaliser le rejet grandissant des femmes pour des réclames s’appuyant sur des images de mannequins anorexiques clonées et retouchées par ordinateur.

Vous vous inscrivez dans la tradition des campagnes pseudo-féministes qui
flattent la fibre rebelle de madame-tout-le-monde pour mieux lui asséner des normes sexistes implacables. On se souvient de campagnes mémorables qui exploitaient déjà ce filon. Celle d’une marque de lingerie (Boléro pour ne pas la nommer), qui prétendait « soutenir » les femmes... dans leur lutte « contre les courants d’air ». On songe aux affiches spectaculaires de la marque de vêtement Kookaï et de ses femmes géantes dominant de minuscules hommes. Là, les femmes ne pouvaient plus dire qu’on les montrait infériorisées, n’est-ce-pas ?

Comme c’était bien trouvé ! Plus récemment, la marque de souliers Eram diffusait une campagne mettant en scène l’une, une chaise chaussée d’escarpins, une autre une autruche affublée de bottines, et une dernière un homme « viril » portant une paire de sandales à talons aiguilles. Le slogan affirmait « aucun corps de femme
n’a été exploité dans cette pub ». Une façon de signifier qu’il était nécessaire d’exploiter les femmes mannequins pour ne pas subir ce type d’images jugées « ridicules ». Jolie pirouette !

C’est dans cette longue tradition qui tourne en dérision les revendications féministes et se moquent de leur combat contre les représentations sexistes, que vous vous inscrivez. Malgré l’engouement de certaines consommatrices pour ce miroir déformant que vous leur tendez, nous avons bien compris le leurre : derrière l’habile stratagème, c’est bien une publicité 100% sexiste que vous nous servez là ! Nous ne nous y trompons pas !

L’hypocrisie, l’arme imparable des publisexistes

Les deux nouvelles campagnes d’affichage de la marque Dove, filiale de la
multinationale Unilever, signeraient, selon leurs concepteurs, une nouvelle ère dans la longue histoire de la réclame, celle des publicités « respectueuses » (sic) de leurs cibles marketing. En prétendant vouloir « révéler la beauté qui se cache en chaque femme », elles reproduisent en fait les schémas patriarcaux les plus basiques. Loin de désaliéner les femmes, ce type de campagne ancre encore plus profondément dans les cerveaux que l’obligation première des femmes est d’être « belles ».

Belles sinon rien

Quand l’entreprise Dove, dans sa campagne, demande aux consommateurs/trices de cocher une case parmi deux propositions, elle impose un raisonnement binaire : une femme ne peut être que « moche » ou « belle ». Il n’y a pas d’échappatoire, ni d’entre-deux. Nous sommes donc sommé-e-s de décréter si telle femme est « plate » ou « pétillante », « ridée » ou « radieuse », « grisonnante ou séduisante », « ronde » ou « rayonnante ». Il s’agit encore de porter un jugement sans appel sur le corps des femmes, et de les exhorter à être obsédées par leur apparence. La beauté doit être la première préoccupation des femmes. Sans elle, comment exister ? Comment attirer un homme, sans lequel on ne peut être heureuse (ah bon ?), le garder, trouver un travail...? Le but du pseudo questionnaire de Dove est d’avord de nous vendre une potion miracle qui fait oublier nos rides, nos taches de rousseur, notre poitrine menue, nos cheveux grisonnants, bref, toutes ces tares qui sont censées faire d’elles des « outsiders » dans la compétition de la séduction.

Après la télé-réalité : la « publi-réalité »

Les publicitaires vantaient jusqu’ici l’origine fermière des yaourts industriels, ils se targuent désormais d’utiliser des femmes « naturelles » sur leurs affiches. C’est oublier que les femmes représentées sont bien sûr sélectionnées selon des critères physiques et sociaux (avoir une peau parfaite, sans « peau d’orange », posséder des « rondeurs » mais pas trop, être « féminine », être toute sourire...). Ce marchand de savon veut nous faire croire que, grâce à son produit, on peut ressembler à un mannequin (l’archétype de la perfection) même si l’on n’a pas les mensurations. La
beauté démocratique est le nouveau mot d’ordre des publicitaires qui veulent ménager les ménagères encore traumatisées par la vague du « porno chic ». La valeur ajoutée de la « vraie vie » est brandie pour mieux nous obliger à nous sentir concerné-es par leur propagande. Si malgré tous leurs efforts, nous ne réussissons pas à passer de la case moche à la case belle, ce sera donc de notre faute, surtout pas de la leur.

Caricature de solidarité

La brochette de femmes en sous-vêtement est une caricature de la solidarité des femmes. « Toutes unies contre la graisse ! » pourrait être le message subliminal de cette affiche qui dit « Dove raffermit toutes les rondeurs ». Car s’il faut des formes, il est interdit d’être molle ! C’est bien la phobie du gras qui se cache derrière cette pseudo publicité alternative. Et la compétition que l’on tente d’instaurer entre les
femmes. Sous le couvert de la célébration de la diversité des corps, Dove remet une couche de culpabilisation.

Après Benetton, qui prétendait vendre des échantillons d’antiracisme avec ses chandails, Dove feint de redorer l’image des femmes en leur assénant le diktat de la beauté : ne nous laissons pas berner par l’hypocrisie des publicitaires ! La publicité aliène nos corps et nos esprits en formatant notre regard sur nous-même et sur les autres, en conditionnant nos vies et nos désirs. Son arme première est la frustration et le mal-être qui trouvent un exutoire dans l’acte d’achat.

Contre le totalitarisme et le décervelage des marchands, combattons l’agression publicitaire quotidienne !

Contre le sexisme et le patriarcat, déconstruisons la féminité (et la virilité) que nous impose la publicité !

Collectif contre le publisexisme

Courriel
Site du Collectif contre le publisexisme

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 mai 2005



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> L’agence Ogilvy et Mather : premier prix dans l’art du décervelage
1er juillet 2005, par Polo



> L’agence Ogilvy et Mather : premier prix dans l’art du décervelage
1er juillet 2005, par Polo   [retour au début des forums]

mais c’est abérant ! vous n’avez donc rien compris, ou alors vous ne serez jamais content ! j’aimerais bien savoir selon vous quel interêt trouve un rédacteur à concevoir une publicité sexiste ? vous pensez qu’il sera mieux payer pour cela ? vraiment n’importe quoi...d’autant plus que dans l’agence que vous citez il y a un nombre non négligeable de redactRICES.
de plus, mais pourquoi chercher la petite bête, cette pub n’a rien de sexiste comme vous le prétendez,elle n’est pas hypocrite non plus ( surtout que je le répète je ne vois pas réellement pourquoi un rédacteur se casserait la tête à trouver une campagne qui sous couvert d’équité transmet en réalité un message sexiste qui pousserait vers un unilatéralisme de la pensée du consommateur...ce que vous faites est une phobie du complot, une paranoia primaire ridicule et déplacée qui ne mène à rien et qui se trouve être tout sauf constructive. la publicité n’a jamais prétendu contenir plusieurs degré d’interprétation comme les grandes oeuvres artistiques, il s’agissait de voir cette campagne simplement comme l’invitation à porter un nouveau regard sur le corps féminin, et le message était très clair. en gros vous perdez votre temps.

[Répondre à ce message]

    > L’agence Ogilvy et Mather : premier prix dans l’art du décervelage
    12 juillet 2005, par
    Pennac   [retour au début des forums]


    Le problème que dénonce l’auteure -je pense- c’est justement qu’il s’agit de porter un regard (même autre) sur le corps des femmes, et que ce simple fait contredit radicalement la revendication « féministe » de la publicité.

    Ce n’est pas faux quelque part qu’une femme par exemple âgée qui va tomber sur la pub « ridée… ou radieuse ? » :
    1) se rappellera automatiquement qu’elle-même est ridée ;
    2) sera souvent forcée d’admettre qu’elle est elle-même moins radieuse que la femme de la publicité (choisit pour la pétillance de son regard et QUAND MEME retouchée pour avoir de « jolies rides ») ;
    3) sera amenée, parce que la pub ravive sa culpabilité avec une pseudo indulgence (elle se sent moins agressée que devant des pubs mannequin-de-30-ans et bien plus concernée par la fausse similarité entre l’image et elle-même), à acheter le produit.

    Donc pour une féministe radicale qui décompose l’image, il s’agit en effet de récupération du mouvement féministe à des fins mercantiles en jouant encore et toujours sur le mal-être des femmes induit par l’injonction « sois belle ! T’es intelligente, marrante ? On s’en fout ! On t’a dit d’être belle ! ».

    Néanmoins il est intéressant de noter que ces publicités ont été candidates (et presque retenues) pour le prix Fémino décernées par les Chiennes de Garde. L’assemblée était d’ailleurs houleuse et divisée à leur propos, du fait de l’opportunisme (et du conformisme) susvisés de ces publicités. Egalement en raison de deux arguments limitrophes :
     D’abord il est surprenant pour son image qu’une association féministe récompense une publicité ventant les mérites d’un produit cosmétique ;
     Ensuite parce que les femmes présentées dans la pub « contre les rondeurs » étaient censées avoir de « vraies rondeurs » alors qu’elles étaient simplement normales : aucune ne devaient dépasser les 60/65 kilos.

    Mais si le prix a tout de même été proposé, et c’est là que je me désolidarise du texte édité ci-dessus, c’est qu’il ne s’adresse pas à un public féministe. Il s’adresse à la quidam moyenne, et ce au vu de tou-te-s.

    Autrement dit, vu le degré de bêtise et de machisme de l’ensemble de la population, vu le caractère quotidien et brutal de l’agression publicitaire sur les murs de Paris (je ne suis pas Québécoise, que voulez-vous, ça arrive…), ces publicités, toute imparfaites et opportunistes qu’elles soient (mais peut-on réclamer d’une publicité, intrinsèquement à buts mercantiles, de tendre à éradiquer les angoisses qui suscitent le réflexe consumériste ?), peuvent, je l’espère, amener des foules peu éveillées au questionnement féministe à un début de réflexion.

    Je veux dire, certes elles déforment notre message.

    Mais 1) elles ne peuvent s’y conformer (ça reviendrait à médire du produit qu’elle vante) ;
    Et 2) elles sont satisfaisantes à ce stade du combat féministe : le quidam moyen trouvant normal qu’une femme se doive d’être splendide, jeune (i.e. ayant moins de 24 ans), mince (i.e. pesant moins de 52 kg), parfaite quoi (!), entre autres (!), pour mériter le dernier abruti égoïste, je pense qu’il est sain qu’une publicité leur rappelle le fossé entre virtuel et réalité, et les souffrances que cet écart incomblable génère. Le jour où les gens auront conscience de la discrimination perpétuelle du regard humain sur la femme, cette publicité deviendra inopportune, voire dérangeante. Hélas, c’est pas pour demain.

    En matière de conclusion, je dirais que lors de la discussion à ce sujet pendant l’attribution du prix Fémino 2004, j’avais voté pour la campagne Dove « contre les rondeurs » (en deuxième toutefois).

    [Répondre à ce message]

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