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mardi 18 octobre 2005 La fille hystérique du père misogyne
par Lucie Poirier On croit souvent que les mauvais traitements infligés aux fillettes et aux femmes par des phallocrates sont sans conséquences ; leur calvaire terminé, elles n’ont qu’à oublier, c’est du passé. Or, les phrases, les attitudes, les comportements, structurent notre être et nous déterminent. Nous devenons ce qu’on nous a fait. L’existence d’Anne-Marie Péladeau en est la triste illustration. Elle est la fille d’un homme puissant, Pierre Péladeau, qui a défavorisé ses filles à l’avantage de ses fils et d’une mère qui s’est suicidée dans son bain. L’enfant grandit en imitant, en voulant ressembler aux êtres aimés. Elle a donc appris qu’une femme se dénie jusqu’à se tuer et que c’est correct d’être injuste envers soi-même quand on est une femme. Son histoire est le destin d’une personne née dans une famille, une société, un monde qui jugent qu’elle a le mauvais sexe. Que veut-elle taire en elle lorsqu’elle consomme des drogues ? Ses douleurs lui appartiennent et sont d’ordre privé mais des faits restent significatifs. Elle s’est effacée. Elle est si petite qu’elle a été projetée dans les airs lors de son arrestation qu’on disait musclée. Les muscles, c’est viril, c’est fort. Pourquoi ne dit-on pas qu’elle a été victime d’une arrestation violente ? Pourquoi les hommes acceptent-ils que leur identité virile soit nécessairement une identité violente ? Lors de cet événement, symboliquement, c’est sa vie qui s’est rejouée : une autorité mâle la malmène pendant qu’une femme se détourne, s’éloigne, l’abandonne. Non, l’arrivée des femmes dans la police n’a pas changé la mentalité dominante car, pour être acceptées, elles se sont conformées, elles ont démontré qu’elles pouvaient faire ce travail comme un homme. Encore l’effacement. On a dit d’Anne-Marie Péladeau qu’elle était agitée, hystérique, ce qui ne justifie pas l’agressivité et le mépris dont elle a été accablée. Toutefois, ces propos rappellent la définition haineuse qu’on associait à l’hystérique : qui a l’utérus mal placé. Alors que son intimité ne nous regarde pas, nous savons quand même qu’il n’était pas si placé son utérus puisqu’Anne-Marie a engendré une fille. Mais, selon des convictions sexistes, quelle est la place de celle qui porte un utérus ? Dans le néant ? Dans l’autodestruction ? Quel est le rôle d’une femme ? Être exposée ? Exposée dans les films pornos, exposée, bébé, au bord de la route pour y mourir en Asie, exposée à la télé et sur Internet pendant qu’elle est brutalisée parce que c’est ainsi qu’on doit traiter tout ce qui n’est pas homme, blanc, salarié ? Quel doit être la fonction d’une femme ? Servir ? Servir d’émissaire aux hommes voulant prouver leur pouvoir et aux femmes voulant prouver qu’elles font partie de la « gang » ? L’évidence dans le destin d’Anne-Marie Péladeau c’est qu’elle est la fille d’un homme qui a prouvé sa misogynie et que ça n’est pas un hasard si toute son existence a été marquée par la répression qu’elle a elle-même réitérée à son égard ou qu’on lui a infligée. La misogynie, ça n’est pas anodin et sans conséquences, c’est grave, et c’est grave pour longtemps, aussi longtemps que toute une vie. Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 octobre 2005. Commenter ce texte © Sisyphe 2002-2014 | ||||
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