| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Polytechnique 6 décembre 1989

| Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  



                   Sisyphe.org    Accueil                                                         







mardi 10 janvier 2006
Toutes ces couilles autour de la table : lettre à l’émission Points chauds (Télé-Québec) sur le "tourisme sexuel"

Lettre à Points chauds, Télé-Québec
pointschauds@telequebec.tv

J’ai visionné votre émission d’hier soir sur le "tourisme sexuel" et je dois
dire que, même s’il est crucial d’aborder ces enjeux et d’en faire une
analyse qui confronte les gens à leurs responsabilités, je suis très déçu de
votre prestation. J’espérais mieux.

Ce que j’ai trouvé le plus stupéfiant, c’est que dans un dossier centré sur
l’exploitation des femmes et des enfants et porté à l’attention publique par
le travail incessant du mouvement féministe, vous n’étiez que des hommes
adultes autour de la table - sauf pour une seule femme, une recherchiste qui
a immédiatement précisé qu’elle n’était là que pour présenter un cinquième
homme, qui a tout de suite dit que son choix avait été de présenter les hommes comme victimes, à savoir parler de l’exploitation de garçons au Mexique.

Les seules femmes qui ont figuré à l’écran étaient celles en situation de
prostitution dont vous nous avez servi des images bien racoleuses (et
certainement utilisées sans avoir obtenu les procurations requises).

J’ai beau apprécier énormément le travail de Richard Poulin face à la
mondialisation de l’industrie du sexe, je trouve inacceptable votre
exclusion aussi patente des femmes et de leurs perspectives sur LEUR propre
exploitation. Imaginez une émission sur le racisme où vous n’auriez reçu
aucun-e représentant-e des communautés ostracisées ! Impensable, n’est-ce
pas ?

C’est particulièrement révoltant dans la mesure où il existe au Québec, au
Canada et partout dans le monde des féministes très actives face à cette
exploitation. Des écrivaines, des chercheures, des militantes, des
intervenantes de terrain et des femmes sorties de la prostitution à qui vous
auriez dû chercher et trouver une façon de laisser au moins la moitié de la
parole. (Monsieur Poulin a tenté d’en citer une ; il a été immédiatement
interrompu par l’animateur.)

Au lieu des voix des premières concernées, nous avons entendu des hommes
bienveillants, proprement scandalisés mais occupant tout le terrain
symbolique, sans un mot pour les luttes que tant de femmes mènent
présentement dans ces dossiers, sans une référence à leurs organisations.
Est-ce à cette condition que Télé-Québec accepte de "couvrir" ces luttes ? Je
ne suis pas le seul à avoir vu là une très nette récupération, que vous n’
oseriez pas tenter dans des enjeux plus ouvertement politiques (la lutte des
Haïtiens pour leurs droits, par exemple).

Je reste aussi gêné des demi-sourires que vous avez souvent échangé au cours
de l’émission, surtout lorsque vous discutiez des prix élevés (ou pas si
chers que ça finalement) facturés aux clients, tout en vous faisant
rassurants à l’effet que ce trafic "de la honte" était "ignoble". Cet
amusement, cet horizon borné à la perspective du prostitueur vous rendait
bien peu crédibles.

Pour conclure, permettez-moi d’ajouter que je trouve d’autant plus
surprenant qu’avec toutes ces couilles autour de la table, vous n’aviez pas
su repérer (ou oser dire) le moindre facteur commun à ces clients. C’était
aussi évident entre eux qu’entre vous : il s’agit presque exclusivement
d’hommes, qui sont là en tant qu’hommes, à rehausser une identité et exercer
des privilèges traditionnellement masculins.

Je me prends à rêver que ce pattern dans l’exploitation sexuelle sera le
sujet d’un prochain POINTS CHAUDS où, pour changer, il pourrait n’y avoir
que des femmes en studio - et un homme pour présenter un film fait par une
femme !

J’espère surtout que vous reviendrez sur ces enjeux. Il ne manque pas d’
autres angles sous lesquels aborder les problèmes liés à l’exploitation
sexuelle : les services de prostitution gérés et annoncés au mépris de la
loi contre le proxénétisme, la culture pornogaphique croissante sur les
campus, la situation des travailleuses immigrées contraintes à la
prostitution à cause des exigences du Programme fédéral des aides familiaux
résidants, la condition des jeunes de la rue qui doivent vendre leur corps
pour survivre lorsqu’elles et ils arrivent dans les grandes villes, la « 
racisation » croissante des femmes asiatiques et noires par l’industrie du
sexe, le recrutement d’« escortes » qui se fait ouvertement chez les
étudiantes, la tolérance systématique dont jouissent les clients de la
prostitution, le choc post-traumatique et les autres graves problèmes de
santé qui grève les survivantes de l’industrie, les immigrantes et réfugiées
séquestrées dans des motels par les pimps qui les ont fait entrer au pays,
les profits que tirent les municipalités de la vente de permis d’
exploitation aux bordels et aux proxénètes d’agences, l’image de soi et des
autres qu’intériorisent les jeunes dans l’environnement actuel, les
tentatives pour faire tomber les dernières contraintes imposées à l’
industrie, etc.

Martin Dufresne
Collectif masculin contre le sexisme
Courriel



Partagez cette page.
Share



Commenter ce texte
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

*    Nous suivre sur Twitter ou en créant une alerte Sisyphe dans les Actualités de Google.

© Sisyphe 2002-2014




Chercher dans ce site
Lire les articles de la page d'accueil


LES AUTRES BRÈVES
DE CETTE RUBRIQUE


lundi 7 décembre
Le Prix PDF Québec 2020 est décerné à JANETTE BERTRAND
vendredi 3 avril
"Pour un feminisme universel" de Martine Storti
lundi 18 mars
Des livres en solde aux éditions Sisyphe
jeudi 7 mars
Le 8 mars : une occasion de rappeler le droit des femmes à vivre en sécurité - Action ontarienne contre la violence faite aux femmes
jeudi 7 mars
Plus de 10 000 demandes d’hébergement refusées chaque année : cri d’alarme des maisons pour ne plus dire "NON" !
mardi 5 mars
PDF Québec - Les fées ont toujours soif !
mercredi 28 novembre
De la couleur contre la douleur : Un appel politique pour la fin des violences envers les femmes
samedi 24 novembre
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes - 12 jours d’action : les femmes violentées manquent de services au Québec !
mercredi 31 octobre
La CLES - Réaction aux prises de position de la FFQ sur la prostitution
lundi 8 octobre
Brigitte Paquette, "La déferlante #MoiAussi. Quand la honte change de camp"






http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Page d'accueil |Admin