Lundi, le 12 juin, un millionnaire du Nevada, Darren Roy Mack, 45 ans, a poignardé à mort Charla Mack, son ex-femme avec qui il était en instance de divorce et à qui il essayait de faire enlever la garde de sa fille de 8 ans. Il a profité du moment où elle lui amenait l’enfant pour un droit de visite. Puis, il s’est rendu abattre froidement au palais de justice de Reno le juge Chuck Weller qui présidait à leur divorce. Mack, qui, en plus d’armes à feu, avait chez lui de quoi fabriquer des bombes, a depuis disparu. Il est toujours en cavale.

Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’un homme aigri s’en prend non seulement à son ex-conjointe mais à l’appareil judiciaire. Chauffés à blanc par le mouvement de « justice pour les hommes », des conjoints violents ont fait feu sur des juges et d’autres employés de l’appareil judiciaire en Australie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Des bombes ont été placées dans des palais de justice, des avocats ont été agressés sur la rue, y compris au Canada, par des hommes qui se disaient victimes des lois sur les pensions alimentaires, la violence conjugale, le partage des biens du ménage et la garde des enfants.

L’organisation britannique « Fathers4Justice » - accusée l’hiver dernier d’avoir planifié le kidnapping d’un des fils de Tony Blair (pour lui faire ressentir la douleur d’un père spolié) - recrute et organise des adeptes aux quatre coins du monde, y compris au Canada et au Québec, tout en prenant soin de se distancier des comportements les plus violents des hommes qui s’en réclament. Une chaîne de cinémas d’ici - Les Cinémas Guzzo - s’apprête à diffuser dans ses salles un clip promotionnel de F4J-Québec.

Ce qui rend les attentats de Reno exceptionnels, c’est qu’avant même de faire feu sur le juge Waller, Mack s’est servi de l’Internet pour diffuser et faire diffuser par un cousin des propos diffamatoires à l’égard de ses victimes, propos qui ont été largement repris et diffusés par les médias américains après le double attentat, tout comme les masculinistes se voient offrir des micros ouverts dès qu’ils font un coup d’éclat ou qu’ils se présentent comme plus « modérés » mais convaincus des mêmes valeurs.

L’attentat contre le juge Weller pose aujourd’hui la question de la responsabilité des médias dans la diffusion de la propagande masculiniste. Il existe en effet de plus en plus de sites Web où des hommes multiplient les propos diffamatoires à l’égard de leur ex-conjointe et des juges qui font valoir les droits de ces femmes. On peut penser que cette propagande haineuse - et l’écoute dont elle jouit dans les médias - attise la rage des hommes divorcés à l’égard de l’appareil judiciaire et pousse d’autres hommes à une violence meurtrière.

Les collègues du juge Weller le pensent. Ils et elles viennent de poser le geste exceptionnel de quitter leur devoir de réserve et tenir une conférence de presse, 4 jours après le double attentat, pour dénoncer cette dérive meurtrière. Un compte rendu de leur plaidoyer figure (en anglais) sur le site tinyurl.com/zh464

Extrait : (Traduction). « Le fait d’accorder à de tels commentaires un forum légitime donne à des tirades anonymes, biaisées et émotives une crédibilité qu’elles ne méritent pas et peut facilement inspirer d’autres personnes, qui sont insatisfaites d’un règlement de divorce, à décider que se faire soi-même justice est une solution acceptable, ce qu’elle n’est pas. »

Un texte que devrait lire le propriétaire des Cinémas Guzzo ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 juin 2006.

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