Un chantage assez sordide est en train d’être imposé dans les mass médias à l’occasion du procès de Robert Pickton tenu à Vancouver. On tente de légitimer et d’accroître les privilèges des prostitueurs en invoquant la "sécurité" des femmes qu’ils exploitent.

Par exemple, le Globe & Mail posait la semaine dernière à ses lecteurs la question suivante, dont le libellé me semble grossièrement biaisé :

"For the safety of all concerned, should Canada legalize and regulate
brothels ?" ("Pour la sécurité de l’ensemble des personnes en cause, le Canada devrait-il légaliser et réglementer les bordels ?")

Le présupposé implicite selon lequel le fait de légaliser l’exploitation sexuelle et les bordels accroîtrait la sécurité des femmes menacées ne repose sur aucun élément de preuve crédible. Il a en effet été démontré que, dans les pays qui ont instauré de telles mesures :

a) l’existence de bordels légaux et réglementés ne supprime aucunement la prostitution de rue ;
b) elle donne aux policiers une excuse de plus pour harceler et insécuriser les femmes prostituées sur la rue ;
c) des femmes sont aussi violentées et même tuées derrière des portes closes, par des proxénètes et acheteurs dans le contexte d’agences d’escorte et de bordels ;
d) le fait de légitimer la prostitution contribue à en multiplier l’incidence, donnant à plus d’hommes le droit d’abuser de femmes plus souvent au nom de leur argent et enfermant plus de femmes dans la traite et la prostitution, faute d’autres options de survie ;
e) cela marginalise également les pressions pour créer - et financer suffisamment - des alternatives au fait de survivre (temporairement) en vendant des "services sexuels", en l’absence de revenu garanti, de véritables emplois, de logements subventionnés, d’occasions de formation, de centres d’accueil, de programmes de désintox, de sanctions contre les agresseurs, de mesures antiracistes, etc.

Suis-je seul-e à trouver assez horrible que les mass médias et les néo-libéraux exploitent ouvertement l’assassinat de femmes appauvries - à Vancouver et au Royaume-Uni - comme prétexte pour réclamer la levée de toute sanction contre les exploiteurs de ces femmes ? N’est-ce pas une forme de chantage ?

C’est comme si ces hommes disaient : "Concédez-nous nos bordels et les profits du proxénétisme, sinon le massacre continuera."

Martin Dufresne

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 janvier 2007

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