| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






samedi 5 août 2017


50 Million Missing Campaign
Un génocide méconnu : 50 millions de femmes disparues en Inde

par Roxane Metzger, étudiante, coordonnatrice de la "50 Million Missing Campaign" en France






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Libérez l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh !
Anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza - Rana Plaza est partout !
Brisons le stéréotype de la femme musulmane au Québec
Mossoul. L’heure des règlements de comptes
Argentine - Mourir parce que l’on est une femme : la triste réalité du féminicide, fléau qui endeuille le pays
Des Palestiniennes créent une banque de semences pour préserver leur héritage agricole
Misère, domination masculine et oppression : les réfugiées syriennes dans la tourmente
Toute notre solidarité avec les femmes et le peuple kurde - Appel à l’action
Pays arabes - La Dre Alyaa Gad enseigne la santé et la sexualité à une chaîne télé sur Youtube
Appel des femmes kurdes - La mentalité patriarcale de la complicité AKP-DAESH : figure la plus atroce du féminicide
Inde - Les Femmes en Noir, solidaires de la résistance collective à la guerre contre le corps des femmes
L’avortement sexo-sélectif au sein de la communauté indo-espagnole
Femmes, islam et autres ennuis
Les femmes de Turquie partent en guerre contre l’oppression
Teesta Setalvad, l’âme de la lutte pour la laïcité en Inde
Un viol, un assassinat de trop !
Brésil - “Clandestinas”, un documentaire qui brise le silence sur l’avortement clandestin
Bahreïn : des experts de l’ONU appellent à cesser la répression contre les militantes des droits de l’homme
Les femmes et la mission indienne Mars : une photo qui dit plus que 1000 mots
Les évangéliques brésiliens à l’assaut de la sexualité
La Brigade rose, des femmes indiennes combattantes
52 personnalités féminines du monde réclament un TPI en République Démocratique du Congo
Brève histoire du mouvement féministe tunisien
L’ONU minimise les mutilations sexuelles féminines et maintient le tabou du rôle des religions
Le gouverneur de l’État de New York dépose une « Charte des droits » des femmes pour combattre la discrimination à leur égard
Démocratie sans État laïque ? Le "hold up" des printemps arabes
Acquittement de Pinar Selek annulé - Une décision jamais vue dans l’histoire mondiale du Droit
Honneur aux dissidents anti-fondamentalistes, Chevalier de la Barre d’aujourd’hui
Bosnie - Est-ce justice de ne pas tenir compte du viol en temps de guerre ?
Obama, Madonna et nous
Histoires minuscules des révolutions arabes - Rencontre à Lyon le 19 octobre 2012
À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)
Le retour des religions, synonyme du retour du bâton contre les femmes !
Le voile islamique, "symbole culturel" aux Jeux olympiques de Londres
Caroline Fourest paie-t-elle le prix du féminisme ou de sa lutte contre les intégrismes religieux ?
La Commission de la Condition de la femme de l’ONU recule devant les pays qui invoquent les traditions culturelles pour bafouer les droits des femmes
Ana Pak, féministe iranienne en exil : "S’unir dans la classe des femmes"
Pourquoi la question de la Palestine est un enjeu féministe
Le film "Circumstance - En secret" soutient les valeurs masculines
Le piège et l’impasse du féminisme islamique
Le féminisme n’est plus le mouvement révolutionnaire qu’il a été
Sisyphe.org aura 10 ans en 2012 : des changements en cours
Il bat deux femmes ou abat la dignité de toutes les femmes ?
Mettons fin au massacre des femmes – Mettons fin à la lapidation !
Au nom de la démocratie, ce que les laïques et les femmes ont à perdre en Tunisie
Polygamie et charia en Libye - Les femmes se révoltent contre la décision du CNT et s’adressent à l’ONU
Le rôle des femmes dans la contestation sociale en Israël
Affaire Shafia : "crime d’honneur" ou accident ? La Presse
L’intégrisme orthodoxe et la Serbie
Une éducation algérienne : de la révolution à la décennie noire - Conférence de Wassyla Tamzali à Lyon le 30 septembre
Les femmes qui débarrassent le Liban des bombes à fragmentation
Poste de contrôle israélien sur la route de la maternité : lieu de naissance ou de décès ?
Femmes courageuses - Les prix ne vont pas toujours à celles et ceux qui le méritent !
Le féminisme polonais n’est plus ridiculisé
La mobilisation d’un village palestinien force les autorités à amender les lois sur les crimes dits d’honneur
Marie-Andrée Bertrand - Développer, nourrir et enseigner la pensée critique dans une démarche créative
Libérez toutes les prisonnières politiques des prisons israéliennes
Donner aux femmes les moyens de se protéger contre les violences sexuelles lors de conflits armés
Haïti - État de la situation des femmes : pré et post-séisme 2010
Brésil - Les luttes des femmes pour l’égalité et la justice
La démocratie et l’égalité entre les femmes et les hommes
Italie - Mauvais jour pour le sultan Berlusconi : des millions de femmes réclament sa démission
Islam et intégrisme - La liberté de pensée a disparu sous le tapis de prière
Une Irano-Néerlandaise pendue en Iran
Le « viol correctif » en Afrique du Sud
Sud-Soudan - Les femmes ont juré qu’elles ne resteront pas des citoyennes de seconde classe
Que gagneront les Tunisiennes à la révolution dans leur pays ?
Prostitution, point de rencontre entre l’exploitation sexuelle et exploitation économique
La femme grillagée - Chanson
Haïti - La vie après le séisme
La lapidation, forme ultime du contrôle des femmes
Tunisiennes et citoyennes par-dessus tout
L’Iran élu membre de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies
Algérie - Le lynchage des femmes de Hassi Messaoud se poursuit
J’ai mal à mon Algérie pour le sort qu’elle réserve à ses femmes
Hassi Messaoud - Halte à la “fatalité” de la terreur à l’encontre des femmes algériennes ! Quoi faire tout de suite
Le voile, symbole de l’instrumentalisation des droits des femmes pour un projet totalitaire
Trois mousquetaires au féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Matilda Joslyn Gage
Amnesty et les intégristes : une vieille histoire, l’exemple de l’Algérie
Lettre ouverte au Secrétaire général des Nations Unies concernant la scandaleuse situation lors de la 54ème Commission de la condition de la femme !
Islamisme - Rayhana et les autres
Tuées et lapidées partout dans le monde, les femmes sonnent la révolte
Une femme en colère. Lettre d’Alger aux Européens désabusés
Commémoration des massacres d’Algériens et d’Algériennes le 17 octobre 1961
Arabie saoudite - L’écrivaine contestataire Wajiha Al-Howeidar remet les hommes à leur place
Arabie saoudite - Appel contre le mariage d’une fillette de 10 ans
Appel au soutien contre la mise en place de la charia en France
Egypte - Obama et la prison des identités religieuses
Obama au Caire : une gifle aux femmes qui se battent contre le voile islamique
Un tribunal d’Arabie saoudite condamne une veuve de 75 ans au fouet et à la prison pour "crime de mixité"
Misogynie et géopolitique
Les femmes exigent un nouvel ordre mondial
MGF-excision : une banalisation de la santé des Africaines au Québec ?
Menaces de mort par un groupe de "talibans" contre des fillettes scolarisées au Pakistan
Participation des femmes libanaises à la vie politique : cinq raisons en faveur d’un quota
Shahrzad New, en anglais et en farsi
Une fillette de huit ans séparée de son mari doit craindre pour sa vie
Les femmes chinoises, les oubliées de la modernisation
Les femmes d’Okinawa aux militaires américains : "Cessez de nous violer et retournez chez vous."
7 avril, Journée mondiale contre les crimes d’honneur
Deux décennies de manifestations et d’espoir pour les Femmes en Noir
Quelle a été la situation des femmes en 2007 ?
Attaques à la bombe en Algérie - Appel de citoyens algériens aux organisations citoyennes, aux partis et aux syndicats progressistes
Qu’est-ce que la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies ?
Crime d’honneur en Syrie : le gouvernement doit sauver la vie d’une jeune femme ou se faire complice d’un assassin
Le Réseau international de solidarité avec les femmes iraniennes appelle à l’aide
L’Agenda des femmes 2008 - La parole aux filles de 9 à 12 ans
Bhawani Rana, une femme qui se bat pour d’autres
Le pouvoir politique de l’amitié
L’ONU, alliée des femmes ?
De partout des femmes interpellent l’humanité
L’UNICEF demande un meilleur accès à la santé et à l’éducation pour les femmes afghanes
Un héritage scandaleux de l’ONU au Timor
Hidjab, soccer et manipulation
L’application de la charia en France
Une juge allemande s’inspire du Coran pour excuser un mari violent
Père et fils condamnés pour avoir battu une jeune femme au nom de traditions religieuses
Vandalisme chez une dirigeante musulmane canadienne qui critique le port du voile
Un père désespéré appelle à sauver la vie de sa fille
Le mariage forcé tue !
« Nous rejetons la mondialisation néo-libérale et patriarcale »
Au Brésil, 2000 femmes détruisent des pépinières d’eucalyptus et un laboratoire de recherche
Égalité ! Égalité ! Égalité ! ...
Le programme du Hamas : la Charia et la haine des femmes !
Le « féminicide » dans les républiques « maquiladoras »
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU blâme sévèrement le Canada pour le traitement infligé aux femmes autochtones et aux détenues
Le message des femmes de la République de Guinée
La libération des femmes n’est pas un luxe réservé aux pays riches
Aung San Suu Kyi, 60 ans, toujours assignée à résidence
"Les femmes ne doivent rien, c’est à elles que l’on doit"
Le passé n’est pas un pays étranger
Ce code algérien de la famille vieux de 20 ans, ça suffit !
Assassinat d’une dirigeante syndicale en Colombie
La colère des femmes contre le viol dans le nord-est de l’Inde
La police du Soudan reçoit une formation sur l’aide aux victimes de violences sexuelles
Appel à la solidarité internationale pour le peuple haïtien
Des groupes de femmes demandent la démission de Miriam Tey, directrice de l’Institut de la Femme en Espagne
La directrice de l’Institut de la Femme édite un livre qui fait l’apologie du viol des femmes et des petites filles
En Iran, un texte de loi sur les droits des femmes soulève un tollé







Depuis trois générations, on estime que plus de 50 millions de femmes ont été exterminées, en Inde, en raison d’une violence qui les cible à tous les stades de leur développement et de leur vie. En Occident, ce phénomène est très méconnu : on se demande comment 20% des femmes d’un pays aussi peuplé que l’Inde auraient pu disparaître sans que l’on s’en rende compte, sans que l’on en parle.

Parlons-en, comme le font Rita Banerji, écrivaine indienne et militante pour les droits des femmes, et la « 50 Million Missing Campaign » depuis 2006.

Les méthodes pour se débarrasser du féminin et des femmes sont nombreuses. Il y a les avortements sélectifs, souvent très tardifs et forcés, un devoir ou une obligation pour les femmes enceintes de filles. Les infanticides féminins sont aussi très courants (1) ; ils font partie de la tradition de chaque région et portent des noms – dans une région, on étouffe les toutes petites avec du sel, dans d’autres, on les noie dans du lait… Ces tâches sont parfois effectuées par la mère elle-même (2), plus souvent encore par la grand-mère paternelle. Ainsi, pour la dernière génération, sur 18 millions de filles « manquantes », 17 millions ont été tuées, et non supprimées avant la naissance (3).

Dans leur jeunesse, des milliers de jeunes femmes sont victimes de crimes (4) soi-disant d’honneur : elles sont tuées parce qu’elles ont osé tomber amoureuses d’un homme issu d’une autre caste que la leur, ou elles ont voulu contracter un mariage avec lui. S’il se trouve que le khap panchayat, ou conseil de son village, s’oppose au choix d’une jeune femme, une peine extrajudiciaire sera bien souvent prononcée et une expédition punitive sera conduite contre elle, sous forme de viol en réunion ou de meurtre. Des investigations menées par des journalistes ont pu montrer la passivité de la police et, d’ailleurs, tous les grands partis politiques de l’Inde s’allient aux khap panchayats (5) lors des élections.

Et cela continue après l’adolescence.

La dot

On estime qu’ont lieu en Inde environ 136 000 « meurtres de dot » (6), c’est-à-dire qu’une femme est tuée toutes les cinq minutes lors de meurtres motivés par la cupidité de son mari et/ou de sa belle famille. Qu’est-ce que la dot ? Dans la tradition indienne, lors d’un mariage, la famille de la jeune mariée doit donner une certaine somme d’argent à sa future belle-famille, chez qui elle ira vivre. C’est indéniablement une pratique misogyne : la femme est considérée comme un poids par sa propre famille, qui paie pour s’en débarrasser. La pratique alimente cette misogynie : on ne voit pas d’utilité à élever une fille, on préfère avoir des garçons pour percevoir de l’argent lorsqu’il sera en âge de se marier plutôt que d’avoir à en débourser. C’est le sens de ce proverbe terrible : « Élever une fille, c’est arroser le jardin du voisin. »

La pratique de la dot est illégale depuis 50 ans, ce qui ne l’empêche pas de perdurer. Mais aujourd’hui, on ne finit pas de payer la dot le jour du mariage. Bien souvent, les demandes de la belle-famille ne cessent d’augmenter, des demandes d’argent mais aussi de biens, comme des voitures ou même des maisons. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le « manque » de femmes est pire dans les classes les plus aisées : comme il y a plus d’argent en jeu lors de mariages au sein de ces classes, on fait tout pour éviter d’avoir des filles à marier, et le sort des femmes indiennes éduquées et au travail n’est pas enviable : leur belle-famille s’adresse alors directement à elles (Le cas particulier d’Anshu Singh (7) est emblématique).

Lorsque la famille d’une femme ou la femme elle-même refuse de payer, cette dernière est tuée, souvent par une bande organisée par sa belle-famille et d’autres membres de leur communauté. Le plus souvent, ces femmes sont brûlées vives et l’on fait alors croire à un « accident de cuisine » : l’Inde aurait, de loin, les cuisines les plus défectueuses au monde… Ces meurtres peuvent être aussi maquillés en suicides, et c’est pourquoi le nombre de femmes victimes de meurtres de dot est certainement sous-estimé. Pourquoi les tue-t-on, pourquoi ne divorce-t-on pas d’elles lorsqu’elles refusent de payer ? Parce que les femmes sont considérées comme des biens, des choses que l’on peut utiliser, et supprimer lorsqu’elles ne sont plus utiles.

Le viol

Le viol, très répandu en Inde, est un élément de cette violence ciblée et terrible : là encore, on ne considère pas les femmes comme des êtres humains, avec une fin en soi ; on les nie. L’affaire du viol collectif de Delhi, l’un des rares qui a connu une couverture médiatique ici en France, a-t-elle contribué à sensibiliser les gens sur cette question ? A-t-elle amélioré le sort des victimes de viols ? Il faut bien répondre à ceci que les survivantes de viols, celles qui n’en meurent pas comme ce fut le cas de la victime de New Delhi, ne connaissent jamais le soutien de l’opinion publique comme l’a connu cette jeune femme, une fois morte. On n’a jamais qualifié de « trésor », par exemple, la survivante du viol collectif de Suryanelli (8) âgée de 16 ans, kidnappée et violée par plus de quarante hommes en un peu plus d’un mois, comme ce fut le cas de Jyoti Sigh Pandey (victime du viol collectif de Delhi). Au contraire, on l’a humiliée chez le gynécologue, au commissariat puis au tribunal, où elle a été qualifiée de menteuse perverse (avec pour argument qu’elle n’assumait pas la responsabilité de ses accidents urinaires nocturnes dans sa petite enfance), on l’a mise au ban de la société dans son village, et ce depuis 1996.

L’affaire tragique de Delhi a bien permis de sensibiliser l’opinion publique internationale au sujet des viols en Inde, et a fait l’objet de la condamnation à mort des quatre violeurs. Mais tout le système policier, hospitalier et judiciaire qui a laissé la victime de Delhi agoniser, d’abord dans la rue puis sur le sol de l’hôpital, n’a pas été condamné, alors qu’il est coupable lui aussi (9).

C’est aussi en Inde que se trouvent 25 millions d’ « enfants-épouses » (10), ces petites filles qui ont pour la plupart moins de dix ans lorsqu’elles sont « mariées » de force avec des hommes bien plus âgées qu’elles, puis violées quotidiennement.

50 Million Missing Campaign

En 2006, Rita Banerji a créé la “50 Million Missing Campaign”, qui touche aujourd’hui 600 000 personnes via Internet dans tous les pays du monde. Le but de cette campagne est de sensibiliser la communauté internationale à l’extermination des femmes indiennes afin d’enclencher une action nationale et internationale pour y mettre fin. Sa pétition (11) adressée au gouvernement indien, à l’ONU, au G8 et à l’Union Européenne a été et continue d’être signée par des milliers de gens à travers le monde. Le combat de la « 50 Million Missing » se mène à la fois sur Internet, plateforme internationale de sensibilisation, et sur le « terrain » dans de nombreux pays, c’est-à-dire dans les classes, centres culturels, etc., dans le cadre d’exposés.

Et enfin, sur le « terrain » indien, c’est-à-dire auprès de victimes d’agressions et de viols par exemple, à qui la campagne apporte un soutien moral, des conseils légaux et de l’aide financière, dans le cas où des opérations chirurgicales sont nécessaires : ses membres donnent de l’argent directement à la femme concernée, et encouragent toute personne le pouvant à prendre contact avec elle, puisqu’il s’agit d’une campagne sans financement public ou privé, qui fonctionne à l’énergie et à la détermination de ses volontaires !

Un génocide*

Un des objectifs de la « 50 Million Missing Campaign » est que ce phénomène soit reconnu comme un génocide. Ce que vivent les femmes indiennes s’applique tout à fait à la définition (12) qu’en donna l’Organisation des Nations Unies en 1948 – sauf qu’elles ne sont pas un groupe national ou religieux. La réticence que l’on a souvent à le reconnaître comme tel tient peut-être à une certaine résistance que nous avons, même en Occident, à reconnaître les femmes comme un groupe social, et un groupe contre lequel un crime de masse serait aussi grave que s’il était perpétré contre un groupe national ou religieux.

Depuis 1948, on a désigné comme génocide le meurtre ciblé de groupes humains autres que nationaux ou religieux (on peut penser aux handicapés massacrés par les Nazis lors de l’opération T4, par exemple). Et pourquoi ne le ferait-on pas ? En fait, le droit français, par exemple, définit un génocide comme le meurtre de masse ciblé d’un groupe humain en fonction de critères nationaux, ethniques ou religieux « ou de tout autre critère », et c’est ce que suggère la racine du mot (13) même (genos signifie « naissance », « genre » ou « espèce » : un génocide serait le meurtre d’un groupe pour ce qu’il est à la naissance).

Bien entendu, il n’y a pas en Inde une volonté d’exterminer jusqu’à la dernière femme, comme la volonté d’extermination totale d’un groupe a pu être manifeste dans d’autres génocides. Mais on sent bien que c’est parce que cela ne serait pas viable. Car dès qu’une femme revendique son existence propre, en dehors de ses fonctions et obligations envers son mari, sa famille ou belle-famille - et envers la société indienne toute entière - elle court le risque de mettre son intégrité physique et même sa vie en danger, que ce soit en refusant un avortement ou une énième demande d’argent de sa belle-famille, ou en contractant un mariage contre l’avis du conseil de son village.

Nous pensons que le monde ne doit et ne peut pas rester une fois encore passif devant un génocide parce qu’il est commis contre les femmes.

« 50 Million Missing Campaign » a depuis presque un an, en plus de son blog en anglais, un blog en français dont je suis l’éditrice et un autre en allemand. « 50 Million Missing Campaign » a été récompensé récemment par une Honourable Mention du Prix Katerva pour le développement durable, et notre action est ainsi reconnue au niveau international. 

*** Pour signer la pétition en français, allez à cette page.

<font size=1 * L’auteure est consciente qu’on qualifie souvent cette tragique situation de féminicide. Toutefois, la nuance est qu’un féminicide désigne même le meurtre d’UNE femme parce qu’elle est FEMME, mais nous pensons que l’élimination de millions de femmes pour ce qu’elles sont à la naissance doit être désignée comme un génocide (tout comme on ne cherche pas à désigner la Shoah comme un sémiticide, par exemple). Faire reconnaître ce qui est infligé aux femmes indiennes comme un génocide est l’un des objectifs principaux de la campagne. Nous l’expliquons dans cet article.

L’auteure - Roxane Metzger est étudiante dans la région parisienne, coordonnatrice de la « 50 Million Missing Campaign » en France et éditrice du blogue francophone de la campagne.

 Lire aussi de la même auteure : « En Inde, la festation pour autrui est loin de profiter aux femmes »

Notes

1. « Qu’est-ce qui tue les petites filles de l’Inde ? »
2. « Quand les mères tuent leurs filles ».
3. « Le recensement qui révèle que 17 millions de filles ont été tuées en Inde dans le groupe des 1-15 ans ».
4. « Les crimes d’honneur, une analyse ».
5. Article de l’Hindustan Times (en anglais) sur les alliances entre partis politiques et "khap panchayats" (conseils de villages) :
« Votebank politics : pampering powerful Khaps ».
6. « Meurtres de dot : 106 000 femmes brûlées vives en 1 an » (le chiffre de 136 000 est en fait 106 000, même si ce chiffre est de toute façon une sous-estimation).
7. « Tuée 45 jours après son mariage, l’histoire d’Anshu ».
8. « Y a-t-il eu un complot international contre la victime du viol de Suryanelli ? »
9. « Peine de mort pour les accusés du viol collectif de Delhi, mais s’agit-il d’une justice partielle ? »
10. « Les "enfants-épouses" de l’Inde ».
11. Pétition de la « 50 Million Missing Campaign » en français.
12. Wikipédia,
article sur la définition du crime de génocide selon la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.
13. Wikipédia, article sur origine et étymologie du mot génocide.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 avril 2014



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook    Commenter cet article plus bas.

Roxane Metzger, étudiante, coordonnatrice de la "50 Million Missing Campaign" en France



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2017
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin